Brian Clough est un prodige. Brian Clough a marqué 252 buts en 274 apparitions en league anglaise (première et seconde comprise). Brian Clough était un avant-centre de génie et comme tous les génies, son ego était surdimensionné et sa réputation en tant qu'être humain désastreuse (au point que ses co-équipiers de Middlesbrough se soient mis en grève pour réclamer son débarquement du poste de capitaine).
Brian Clough détestait beaucoup de choses et beaucoup de gens, dans la vie en générale - dans le football en particulier. Mais il ne détestait rien plus que Leeds United, ce club de tricheurs, ce club de truqueurs, ce club de magouilleurs. Dirty Leeds, il les appelait. Dirty Leeds dont en 1974 il va malgré tout prendre la tête en tant que manager, le temps de quarante-quatre petits jours interminables, quarante-quatre jours de cauchemar qui manqueront de mettre un terme définitif à sa carrière d'entraineur (*).
Si l'on pourrait de prime abord s'attendre à quelque chose de radicalement différent du Red Riding Quartet (1974, 1977, 1980 et 1983) pour lequel David Peace est principalement connu, on constate en fait avec un certain étonnement qu'il n'en est rien, et que The Damned Utd est dans la droite lignée de ses prédécesseurs. Qu'il parle de serial-killers ou de football, Peace demeure cet écrivain habité, au style emphatique, tendant un miroir cruel à un pays dans lequel il ne vit plus tant il l'a fait souffrir (Peace est retiré à Tokyo depuis de nombreuses années) et ne s'intéressant, somme toute, qu'au chaos et aux mécanismes de l'hystérie collective. Et dans le genre, la vie toute entière de Brian Clough (qu'il ne retrace que partiellement et sans aucune aspiration biographique réelle) se pose là. Personnage courageux, doué et intègre, Clough a ceci de commun avec la plupart des héros de l'auteur d'être lancé dans une quête perdue d'avance et de se révéler au fil des pages un gros con régulièrement odieux, victime de sa propre mégalomanie - convaincu par exemple d'avoir raison même quand on lui colle le nez dans ses erreurs. Et pourtant, l'univers pourrave dans lequel il évolue, la rancœur vivace que lui inspire toujours la fin de sa carrière de joueur (Clough a été contraint de prendre sa retraite à vingt-huit ans)... tout cela contribue à faire malgré tout de lui un personnage positif, peut-être pas admirable, mais tout le moins respectable de par sa fidélité à son credo et à ses valeurs (au nombre desquelles le beau jeu et le fair-play... bref des trucs qu'on trouve rarement dans le foot business). C'est très bien vu de la part de l'auteur, qui dévoile dans les passages les plus intimistes une palette qu'on ne lui connaissait pas encore, du moins pas sous cet angle - lui qui avait pris pour habitude de s'inquiéter surtout des destins collectifs.
L'ensemble est saignant, plutôt universel (disons que, moins que le football lui-même, c'est plutôt le style très particulier de Peace qui pourrait rendre un tel roman hermétique aux yeux de certains) et particulièrement émouvant. Mais ce n'est pas en dire grand-chose tant comme toujours chez cet auteur, tout n'y est qu'affaire de rythme, d'élégance et de lyrisme. Encore des trucs qu'on trouve rarement dans le foot business...
The Damned Utd [44 jours], de David Peace (2006)
(*) Ce ne sera finalement pas le cas : Clough gagnera par la suite deux fois consécutives la future Ligue des Champions avec Nottingham Forest, en 79 et 80.
Brian Clough détestait beaucoup de choses et beaucoup de gens, dans la vie en générale - dans le football en particulier. Mais il ne détestait rien plus que Leeds United, ce club de tricheurs, ce club de truqueurs, ce club de magouilleurs. Dirty Leeds, il les appelait. Dirty Leeds dont en 1974 il va malgré tout prendre la tête en tant que manager, le temps de quarante-quatre petits jours interminables, quarante-quatre jours de cauchemar qui manqueront de mettre un terme définitif à sa carrière d'entraineur (*).
Si l'on pourrait de prime abord s'attendre à quelque chose de radicalement différent du Red Riding Quartet (1974, 1977, 1980 et 1983) pour lequel David Peace est principalement connu, on constate en fait avec un certain étonnement qu'il n'en est rien, et que The Damned Utd est dans la droite lignée de ses prédécesseurs. Qu'il parle de serial-killers ou de football, Peace demeure cet écrivain habité, au style emphatique, tendant un miroir cruel à un pays dans lequel il ne vit plus tant il l'a fait souffrir (Peace est retiré à Tokyo depuis de nombreuses années) et ne s'intéressant, somme toute, qu'au chaos et aux mécanismes de l'hystérie collective. Et dans le genre, la vie toute entière de Brian Clough (qu'il ne retrace que partiellement et sans aucune aspiration biographique réelle) se pose là. Personnage courageux, doué et intègre, Clough a ceci de commun avec la plupart des héros de l'auteur d'être lancé dans une quête perdue d'avance et de se révéler au fil des pages un gros con régulièrement odieux, victime de sa propre mégalomanie - convaincu par exemple d'avoir raison même quand on lui colle le nez dans ses erreurs. Et pourtant, l'univers pourrave dans lequel il évolue, la rancœur vivace que lui inspire toujours la fin de sa carrière de joueur (Clough a été contraint de prendre sa retraite à vingt-huit ans)... tout cela contribue à faire malgré tout de lui un personnage positif, peut-être pas admirable, mais tout le moins respectable de par sa fidélité à son credo et à ses valeurs (au nombre desquelles le beau jeu et le fair-play... bref des trucs qu'on trouve rarement dans le foot business). C'est très bien vu de la part de l'auteur, qui dévoile dans les passages les plus intimistes une palette qu'on ne lui connaissait pas encore, du moins pas sous cet angle - lui qui avait pris pour habitude de s'inquiéter surtout des destins collectifs.
L'ensemble est saignant, plutôt universel (disons que, moins que le football lui-même, c'est plutôt le style très particulier de Peace qui pourrait rendre un tel roman hermétique aux yeux de certains) et particulièrement émouvant. Mais ce n'est pas en dire grand-chose tant comme toujours chez cet auteur, tout n'y est qu'affaire de rythme, d'élégance et de lyrisme. Encore des trucs qu'on trouve rarement dans le foot business...
The Damned Utd [44 jours], de David Peace (2006)
(*) Ce ne sera finalement pas le cas : Clough gagnera par la suite deux fois consécutives la future Ligue des Champions avec Nottingham Forest, en 79 et 80.
J'ai commencé la tétralogie suite à ton conseil. C'est TRES bien. Mais je ne sais pas si je lirai celui-ci. Moi, le foot...
RépondreSupprimerBonne journée.
Ce livre est tout simplement exceptionnel. Jamais je n'ai un truc aussi bien, en rapport avec le foot. Parce qu'en même temps, ce n'est pas que ça, et d'un autre côté, c'est ça. Je dis n'importe quoi...
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas David Peace, c'est vraiment le côté foot qui m'a attiré. Et j'ai vraiment adoré, d'ailleurs j'ai acheté deux ou trois autres bouquins de lui depuis (que j'ai pas encore eu le temps de lire).
RépondreSupprimerJe n’ai pas accroché à la tétralogie, enfin je ne suis pas allée plus loin que 1974 pour être exact. Ce qui ne m’empêche pas de trouver cet auteur intéressant, et ce roman-bio sur Clough, une grande figure du foot comme seuls les anglais savent en produire, très intriguant. Et puis j’adore les romans sur le foot anglais.
RépondreSupprimerAh oui faut que je trouve un temps pour me la faire cette fameuse tétralogie :)
RépondreSupprimerBloom >>> je pense qu'on peut l'avaler sans problème... même si on n'est pas trop foot.
RépondreSupprimerLaiezza >>> t'en fais pas, on a compris ^^
EL-JAM & Benjamin >>> il faut la lire... même si comme Emma, il est possible d'être assez imperméable au style de Peace, qui est très particulier.
Comme Emma (semble-t-il), j'ai eu du mal à entrer dans "1974". Trop dur, trop glauque, certes pas gratuitement, mais il y a une surenchère qui m'a mis mal à l'aise.
RépondreSupprimerSinon, je confirme que Brian Clough, sur un terrain, c'était quelque chose. Je me rappelle moins sa carrière d'entraineur (apparemment brillante), mais il avait, en tant que joueur, un style et une "gueule". Un vrai "working class hero", typiquement Anglais. Maintenant, j'ai un peu peur d'imaginer ce qu'une telle biographie donnerait, sous la plume épileptique de David Peace (une variante, en lettres, des clippers fous, je trouve).
BBB.
Je comprends que le style puisse rebuter. Le procès en surenchère... un peu moins, j'avoue...
RépondreSupprimerDisons que l'on a tout de même l'impression que le Yorshire, endroit plutôt charmant en réalité, est uniquement peuplé d'illuminés, de dégénérés ou de monstres. A côté, Yoknapatawpha a des airs d'île aux enfants...
RépondreSupprimerBBB.
Je plussoie partiellement 3B. J'ai beaucoup aimé 74 mais dès le deuxième j'ai été prise de nausée et n'ai pas été plus loin.
RépondreSupprimerVous êtes toujours là pour me soutenir, chère Miss Lil ;-)
RépondreSupprimerBBB.
Mais justement. Ce n'est pas pire que dans Faulkner... je trouve que vous chipotez, mon ami !
RépondreSupprimerIl est dans ma PAL (mon copain l'a lu et m'a dit lislelislelisle) et comme j'ai vu le film (que j'ai adoré) adapté du bouquin, avec le génialissime Michael Sheen, du coup j'ai très envie de le lire.
RépondreSupprimerMaintenant il FAUT que tu vois le film.
Evidemment.
Je ne savais même pas qu'il y avait un film...
RépondreSupprimerBon. Maintenant tu le sais, tu peux regarder la bande-annonce et surtout le regarder :)
RépondreSupprimerJe pense que je vais sauteur l'étape de la bande annonce :-)
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