Est-ce la présence d'enfants au générique ?... Toujours est-il qu'en quatrième saison, The Wire retrouve un sourire qu'on croyait effacé de sa sinistre face depuis un moment. Un sourire et une atmosphère, aussi. C'était peut-être la saison trois qui se devait d'orchestrer le retour aux sources (aux rues), mais c'est la saison quatre qui apparait comme la plus proche de la première, dans l'intrigue comme dans la coolitude générale qui s'en dégage. Et pour cause : c'est dans cette (déjà) avant dernière séquence que The Wire cesse (définitivement ?) d'être une série policière. Après le pic de dynamisme lié à la chute de B & B nos antihéros reviennent à des choses plus tranquilles, retrouvent de leur nonchalance, regrettent même le bon vieux temps des écoutes interminables et des poussées d'adrénaline (Freamon : "Autant j'étais fier de traquer un type comme Barksdale, autant Marlo, c'est presque trop facile...")...
Blasés, nos flics ? Un peu, oui, et même beaucoup parfois. Au point de passer l'essentiel de la série les pieds sur leur bureau. Même McNulty a cessé de courir, qui passe au troisième plan sans jamais vraiment nous manquer (une gageure tout de même : éloigner ainsi des spotlights le personnage principal, peu d'auteurs l'auraient osé). L'intérêt n'est définitivement plus au commissariat ni au sein de la brigade anti-crime (d'ailleurs en voie de dissolution). Le gros de l'intrigue se déroule dans deux endroits autrement plus agités : le QG de campagne du conseiller Carcetti, qui tente de devenir le maire blanc d'une ville à dominante noire, et l'école publique de Baltimore Ouest, où a échoué Prez après sa démission de la police. Rien que cela pointe déjà l'absurdité du système scolaire public américain, au sein duquel n'importe qui pourvu d'une licence peut devenir prof de ce qu'il veut quasiment sans recevoir la moindre formation. C'est loin d'être la seule pièce à charge dans le dossier que David Simon semble compléter méthodiquement (et d'ailleurs Prez s'en sort plutôt bien).
Car c'est bien d'enquête à charge dont il s'agit : délivrée du carcan polar (et/ou des contraintes d'audience), The Wire n'a jusqu'ici jamais été aussi politique, rageuse, témoignant d'un souci détail la rapprochant de plus en plus du docu-fiction. Lutte perdue d'avance des enseignants contre l'attrait de la rue, absurdité des programmes ("Vous êtes là pour enseigner l'examen, c'est la réussite à cet examen qui fera cette école existera encore l'an prochain"), violence omniprésente... à travers les regards conjugués de Prez et Colvin, qui pilote avec son ambigüité habituelle un nouveau programme pour les gamins des rues, le système scolaire est passé au crible - ce qui n'empêche pas la tendresse. Car ces enfants sont sans doute les personnages les plus complexes et attachants qu'on ait croisé depuis le début de la série (ce n'est pas peu dire, quand on sait à quel point les Dee, Wallace, Ziggy et compagnie étaient déjà complexes et attachants). Aucun n'est un archétype, chacun à son caractère et ses motivations, tout le monde est écorné mais foncièrement personne n'est jugé... et les jeunes comédiens sont tous exceptionnels - ce qui ne gâte rien.
A l'autre bout de la chaîne la charge est à peine plus tendre : compromissions au sommet du pouvoir, petits arrangements entre amis, question épineuse des financements, dommages collatéraux de la discrimination positive... Tommy Carcetti, catapulté nouveau héros de la série (on le sentait venir), se heurte à toutes les embuches possibles et imaginables dans sa bataille (le mot n'est pas usurpé) pour la mairie. Ce qui donne une fois encore l'occasion de s'incliner devant la vista de scénaristes disposant dans chaque saison (sauf la première) les pièces maîtresses de la saison d'après : les aventures de String dans la saison 2 semblaient arriver comme un cheveu sur la soupe, mais n'étaient qu'un échauffement en vue de la saison 3. Saison dans laquelle les aventures de Tommy pouvaient paraître un peu déconnectées du reste - sauf qu'elles étaient la répétition générale de la saison 4. Jamais la mécanique de The Wire n'avait semblée si parfaitement huilée, et chaque saison jusqu'ici de surclasser la précédente - ce qui n'était franchement pas gagné vu la qualité de chacune.
En résumé : une véritable apothéose, non seulement pour la série, mais pour toutes les séries bout à bout. Il est utile de préciser qu'aux États-Unis, certains fans et critiques considèrent que cette quatrième saison de The Wire fut la meilleure saison de série de toute l'histoire de la télévision. A ceux qui ne l'ont pas vu, la remarque semblera pompeuse et abusive. Ceux qui l'ont vue, eux, savent que c'est presqu'une évidence.
Blasés, nos flics ? Un peu, oui, et même beaucoup parfois. Au point de passer l'essentiel de la série les pieds sur leur bureau. Même McNulty a cessé de courir, qui passe au troisième plan sans jamais vraiment nous manquer (une gageure tout de même : éloigner ainsi des spotlights le personnage principal, peu d'auteurs l'auraient osé). L'intérêt n'est définitivement plus au commissariat ni au sein de la brigade anti-crime (d'ailleurs en voie de dissolution). Le gros de l'intrigue se déroule dans deux endroits autrement plus agités : le QG de campagne du conseiller Carcetti, qui tente de devenir le maire blanc d'une ville à dominante noire, et l'école publique de Baltimore Ouest, où a échoué Prez après sa démission de la police. Rien que cela pointe déjà l'absurdité du système scolaire public américain, au sein duquel n'importe qui pourvu d'une licence peut devenir prof de ce qu'il veut quasiment sans recevoir la moindre formation. C'est loin d'être la seule pièce à charge dans le dossier que David Simon semble compléter méthodiquement (et d'ailleurs Prez s'en sort plutôt bien).
Car c'est bien d'enquête à charge dont il s'agit : délivrée du carcan polar (et/ou des contraintes d'audience), The Wire n'a jusqu'ici jamais été aussi politique, rageuse, témoignant d'un souci détail la rapprochant de plus en plus du docu-fiction. Lutte perdue d'avance des enseignants contre l'attrait de la rue, absurdité des programmes ("Vous êtes là pour enseigner l'examen, c'est la réussite à cet examen qui fera cette école existera encore l'an prochain"), violence omniprésente... à travers les regards conjugués de Prez et Colvin, qui pilote avec son ambigüité habituelle un nouveau programme pour les gamins des rues, le système scolaire est passé au crible - ce qui n'empêche pas la tendresse. Car ces enfants sont sans doute les personnages les plus complexes et attachants qu'on ait croisé depuis le début de la série (ce n'est pas peu dire, quand on sait à quel point les Dee, Wallace, Ziggy et compagnie étaient déjà complexes et attachants). Aucun n'est un archétype, chacun à son caractère et ses motivations, tout le monde est écorné mais foncièrement personne n'est jugé... et les jeunes comédiens sont tous exceptionnels - ce qui ne gâte rien.
A l'autre bout de la chaîne la charge est à peine plus tendre : compromissions au sommet du pouvoir, petits arrangements entre amis, question épineuse des financements, dommages collatéraux de la discrimination positive... Tommy Carcetti, catapulté nouveau héros de la série (on le sentait venir), se heurte à toutes les embuches possibles et imaginables dans sa bataille (le mot n'est pas usurpé) pour la mairie. Ce qui donne une fois encore l'occasion de s'incliner devant la vista de scénaristes disposant dans chaque saison (sauf la première) les pièces maîtresses de la saison d'après : les aventures de String dans la saison 2 semblaient arriver comme un cheveu sur la soupe, mais n'étaient qu'un échauffement en vue de la saison 3. Saison dans laquelle les aventures de Tommy pouvaient paraître un peu déconnectées du reste - sauf qu'elles étaient la répétition générale de la saison 4. Jamais la mécanique de The Wire n'avait semblée si parfaitement huilée, et chaque saison jusqu'ici de surclasser la précédente - ce qui n'était franchement pas gagné vu la qualité de chacune.
En résumé : une véritable apothéose, non seulement pour la série, mais pour toutes les séries bout à bout. Il est utile de préciser qu'aux États-Unis, certains fans et critiques considèrent que cette quatrième saison de The Wire fut la meilleure saison de série de toute l'histoire de la télévision. A ceux qui ne l'ont pas vu, la remarque semblera pompeuse et abusive. Ceux qui l'ont vue, eux, savent que c'est presqu'une évidence.
👑 The Wire (saison 4 : The Schools)
créée par David Simon
HBO, 2006
"Il est utile de préciser qu'aux Etats-Unis, certains fans et critiques considèrent que cette quatrième saison de The Wire fut la meilleure saison de série de toute l'histoire de la télévision."
RépondreSupprimerC'est tout à fait exact. En fait, les saisons 3 et 4 (qui forment d'ailleurs en tout) constituent effectivement ce qu'on a fait de mieux, à la télévision, ces dernières années. Un niveau égal aux trois dernières saisons des Sopranos.
Cordialement.
C'est vrai que cette saison réussit trouver un équilibre parfait entre politique et émotion... C'est effectivement la meilleure de toutes et elle s'est achevée dans les larmes en ce qui me concerne !
RépondreSupprimerDes larmes, une comparaison avec les Soprano... ça sent le plébiscite tout ça ;-)
RépondreSupprimerBien en peine je serais de dire laquelle des saisons 3 ou 4 ou 5 je préfère.
RépondreSupprimerEt je comprends les larmes de Cissie. Moi-même. Ah! Randy! ce qu'il m'a fait pleurer, ce gosse!
Plus que la 5 à voir :)
RépondreSupprimerBeaucoup aimé la 4. Peut-être un peu moins que la 3. Les "méchants" charismatiques me manquent. String, Avon. Ils avaient une super classe, alors que Marlo est bien plus terne (comme dit Lester lui-même dans ta citation). Chris, pareil. Snoop par contre, elle a la classe (okay : classe n'est pas vraiment le mot).
Leïa >>> Etre aussi sensible que Cissie ? Vraiment, pas de quoi se vanter ! ;-)
RépondreSupprimerLil' >>> Certes...
Oui mais en même temps, je ne suis pas coupable de sensiblerie, hein ^_^
RépondreSupprimerD'ailleurs, The Wire n'est jamais pathos. Juste émouvant.
Bon bon bon, je crois que j'ai du retard à rattraper avec "The Wire" (dont je n'ai rien vu... désolé^^), ton article me laisse à penser que ça risque de me passionner au moins autant que "Oz" !
RépondreSupprimerEt puis un démontage en règle du système éducatif (et je sens que leur point du vue a des chances d'être aisément transposable de ce côté-ci de l'Atlantique...), ça me branche beaucoup (vois-tu, Thom, je suis pion dans la vraie vie civile sous mon vrai nom d'en-dehors d'Internet ;-))
Il y a à coup sûr pas mal de points communs entre The Wire et OZ (la première pouvant être vue par bien des côtés comme l'héritière de la seconde).
RépondreSupprimerConcernant les deux systèmes éducatifs... il y a bien entendu des convergences, notamment tout ce qui concerne la pédagogie. Néanmoins beaucoup d'éléments ne sont pas transposables (ne fût-ce que le problème des fermetures de collèges...) pour la simple et bonne raison que le système scolaire américain est tout de même différent (voire sur certains points très différent) du système français. Comme le montrait très bien David Kelley dans Boston Public (série méconnue mais tellement attachante) le public aux USA est extrêmement défavorisé, que ce soit par rapport au système public français ou bien sûr par rapport au système privé américain, glorifié à tout va. En réalité aux Etats-Unis l'école publique ne concerne que les gamins de la lower-middle class, et bien entendu ceux des couches les plus défavorisées. Le tout dans un cercle vicieux que démonte parfaitement la saison 4 de The Wire : ça n'attire pas, donc on investit moins, donc ça n'attire pas, donc on investit moins...
Très bon billet, sur la meilleure saison de la série (oui, je fais court, ce soir !).
RépondreSupprimerBBB.
Donc, aparté sur l'éducation (non, je ne mettrai pas de majuscule^^) : il me semble qu'on dérive lentement (?) mais très sûrement vers ce type de système en France. Les coupes franches dans les budgets et les effectifs, tout ce qui tourne autour de la carte scolaire (qui me fait me poser beaucoup de questions)... la "mixité sociale" en question, du coup, des bahuts mués en "poubelles", la fuite des "bons éléments" vers le privé quitte à ce que les parents s'endettent sévèrement... Ce n'est pas si loin de nous, je crois, et ça se vérifie pour l'université (et puis c'est bien beau de gueuler après Sarko et Pécresse... mais ça a été initié à l'époque de Lang, puis Allègre... arf!)
RépondreSupprimerBref, je crois, comme pour plein d'autres domaines, que le but est de tendre vers le tout-privé... et qu'il restera un semblant de public pour se démerder avec les largués et les laissés-pour-compte, les "déchets", ceux qui ne jouent pas assez le jeu, les "inadaptés", les "pas-conformes"... Et ce que j'ai senti, chez des CPE avec qui j'ai bossé (et qui aimaient profondément leur métier, à n'en pas douter), qu'ils se voyaient de plus en plus, au fil des années, comme des Don Quichotte...
Hélas, je crois ne donner ni dans l'extrapolation douteuse, ni dans le catastrophisme acharné :-(
BBB. >>> ah non mais c'est bien aussi, des fois :-)
RépondreSupprimer(cela dit je trouve que vous faites de plus en plus court)
Dahu >>> je ne dirais pas que tu fais dans le catastrophisme acharné. Le contexte est particulièrement pourri et la société tend effectivement de plus en plus vers cela. Jusqu'au ira-t-elle ?... c'est toute la question. Le "culte du privé" est inscrit dans le code génétique des USA ; beaucoup moins dans celui de la France, dont le peuple, quand on lui pose la question et en dépit des clichés et autres 'encore en grève', reste extrêmement attaché à la notion de service public (ça, c'était le couplet rassurant)...
Ce qui est amusant c'est que dans mon précédent commentaire, j'ai failli dire : "en fait, ça se ressemble au système français... en totalement exacerbé" :-) (enfin non : :-(, plutôt).
J'en suis à peu près à la moitié de la saison, et dès les premiers épisodes j'ai commencé à sentir le truc venir : en effet, c'est énorme, c'est magnifique, ça a tellement évolué depuis le début... La meilleure saison ou la meilleure série, je ne me risque plus à dire des trucs comme ça après toutes les séries fantastiques que j'ai vues, mais là on est clairement au-dessus de pas mal de choses...
RépondreSupprimerOui... très très haut !
RépondreSupprimer"The Wire fut la meilleure saison de série de toute l'histoire de la télévision. A ceux qui ne l'ont pas vu, la remarque semblera pompeuse et abusive. Ceux qui l'ont vue, eux, savent que c'est presqu'une évidence."
RépondreSupprimerPresque (je place Le prisonnier devant).
mais c'est un choc à tellement de titres, et sûrement parce que souligner aussi simplement et sans pathos le tragique de ces destins de gosses (et de ceux qui cherchent à les rattraper), 4 échecs sur 5 !
Moi qui travaille ces dernières années dans une banlieue métropolitaine très marquée socialement (1 adulte sur 5 au RSA dans une ville de 25000 habitants, 47% de chômage pour les 18-25 ans !), je peux quand même dire que ce qui se passe à Baltimore, dans les rues, dans l'éducation ou dans le système politique est sans commune mesure avec la réalité française.
Ah c'est sûr... déjà, le taux de criminalité aux USA est supérieur à la France, et à Baltimore il est supérieur à la moyenne nationale (sept et quelques meurtres par 100 000 habitants, contre cinq et des poussières je crois)...
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