Où on va papa ? est un livre piégeux. De par son sujet (Jean-Louis Fournier évoque, sur un mode des plus sarcastiques, son rôle de père de deux enfants handicapés) comme sa forme (le récit autobiographique de base - pour ne pas dire bas de gamme) il rend toute critique délicate, typiquement le genre de livre qui irrite au plus haut point par-ici, parce que jouant plus ou moins consciemment sur l'empathie exagérée d'un lecteur qui n'en demandait pas tant.
D'un côté on a envie de se féliciter qu'un livre aussi peu consensuel ait eu si bonne presse, au point de recevoir un prix aussi prestigieux (comprendre : académique, poussiéreux, et rarement enthousiasmant) que le Femina. C'est si rare qu'avant même de l'avoir fini une part de nous a envie de se réjouir - ne fût-ce que parce que ça nous change de tous ces témoignages larmoyants encombrants les rayonnages de librairies (mes enfants sont handicapés la vie est horrible mais quand même je me battrai toujours héroïquement contre la fatalité telle une mère courage que Véronique Genest incarnera brillamment dans le téléfilm à venir - allons pleurons ensemble, lecteur !). Il y a un incontestablement un côté sain dans ce livre... ou plutôt dans son succès.
Car une fois la lecture achevée on peine tout de même réprimer un certain malaise. C'est que s'il est sans doute sain et louable de savoir faire preuve de distance et de recul il faut malgré tout reconnaître que Fournier n'écrit pas spécialement bien, que son récit n'est pas spécialement captivant et n'est que rarement drôle (c'est-à-dire qu'il essaie tant bien que mal, mais que dans le meilleur des cas il arrache un sourire). Or que peut-il y avoir de pire qu'un livre comique pas drôle sur un sujet aussi sérieux ? C'est toujours un peu le problème de ce genre de parti-pris plus ou moins satirique : si l'on réussit son coup on devient un grand génie provocateur ; si l'on foire et que personne ne rigole, on devient juste un gars (sans doute légèrement malade sur les bords) ayant écrit un livre indécent. Pourtant les motivations et la démarche auront été rigoureusement les mêmes. Il est d'ailleurs amusant de noter - petite parenthèse - que dans de nombreux commentaires la presse a évoqué un récit "émouvant", ce qu' Où on va papa ?, promis juré craché, n'est vraiment jamais. Comme si dans le fond cela semblait si bizarre aux journalistes qu'on écrive ce genre de livre que, forcément, il y avait une blessure déchirante derrière. Comme si d'ailleurs avoir des enfants handicapés était inévitablement une horreur, ce en quoi le moins que l'on puisse dire est que Fournier a complètement raté son coup : il semble justement avoir écrit ce livre pour dire l'inverse. Et, bien entendu, pour transgresser un immense tabou : le fait que, oui, les parents ne sont pas que des parents, qu'ils en ont parfois (souvent !) marre de leur progéniture, que les enfants ne sont pas que des petits êtres merveilleux transcendant nos vies mais aussi, parfois (souvent ?), des contraintes les compliquant de manière considérable (peu importe qu'ils soient handicapés, ou non).
Inutile de dire que du coup, si le principe de la transgression est séduisant le résultat est à la fois gênant et irritant. Gênant parce que, comme dit plus haut, les "bons mots" de Fournier sont souvent malheureux, et qu'on ne peut s'empêcher de se dire que le même livre écrit sur le mode de la fiction aurait été taxé d'indécence. Et irritant parce que comme tout est fait pour insister sur le côté autobiographique, on se sent bien en peine de juger de la décence de Jean-Louis Fournier... tout en sachant pertinemment qu'avoir des enfants handicapés n'a jamais empêché quiconque de se montrer indécent. Oui, dit la petite voix dans notre tête, mais d'un autre côté ce sont ses enfants, il a droit de dire ce qu'il veut au sujet de sa paternité à lui et rien qu'à lui. Oui, répond l'autre voix, mais depuis quand l'autobiographie est-elle une excuse aux maladresses voire au mauvais goût d'un auteur ? D'accord, reprendre la voix N°1... et ainsi de suite.
Reste donc un livre à l'intérêt certain, ne serait-ce que pour les questions qu'il fait se poser quant à la manière de l'appréhender. Mais dont, malheureusement, on ne sait pas trop quoi faire...
D'autres avis : Cathe, Yohan, Ys ...
A voir également, pour découvrir une approche totalement différente (peut-être même inverse), le site de la maman.
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D'un côté on a envie de se féliciter qu'un livre aussi peu consensuel ait eu si bonne presse, au point de recevoir un prix aussi prestigieux (comprendre : académique, poussiéreux, et rarement enthousiasmant) que le Femina. C'est si rare qu'avant même de l'avoir fini une part de nous a envie de se réjouir - ne fût-ce que parce que ça nous change de tous ces témoignages larmoyants encombrants les rayonnages de librairies (mes enfants sont handicapés la vie est horrible mais quand même je me battrai toujours héroïquement contre la fatalité telle une mère courage que Véronique Genest incarnera brillamment dans le téléfilm à venir - allons pleurons ensemble, lecteur !). Il y a un incontestablement un côté sain dans ce livre... ou plutôt dans son succès.
Car une fois la lecture achevée on peine tout de même réprimer un certain malaise. C'est que s'il est sans doute sain et louable de savoir faire preuve de distance et de recul il faut malgré tout reconnaître que Fournier n'écrit pas spécialement bien, que son récit n'est pas spécialement captivant et n'est que rarement drôle (c'est-à-dire qu'il essaie tant bien que mal, mais que dans le meilleur des cas il arrache un sourire). Or que peut-il y avoir de pire qu'un livre comique pas drôle sur un sujet aussi sérieux ? C'est toujours un peu le problème de ce genre de parti-pris plus ou moins satirique : si l'on réussit son coup on devient un grand génie provocateur ; si l'on foire et que personne ne rigole, on devient juste un gars (sans doute légèrement malade sur les bords) ayant écrit un livre indécent. Pourtant les motivations et la démarche auront été rigoureusement les mêmes. Il est d'ailleurs amusant de noter - petite parenthèse - que dans de nombreux commentaires la presse a évoqué un récit "émouvant", ce qu' Où on va papa ?, promis juré craché, n'est vraiment jamais. Comme si dans le fond cela semblait si bizarre aux journalistes qu'on écrive ce genre de livre que, forcément, il y avait une blessure déchirante derrière. Comme si d'ailleurs avoir des enfants handicapés était inévitablement une horreur, ce en quoi le moins que l'on puisse dire est que Fournier a complètement raté son coup : il semble justement avoir écrit ce livre pour dire l'inverse. Et, bien entendu, pour transgresser un immense tabou : le fait que, oui, les parents ne sont pas que des parents, qu'ils en ont parfois (souvent !) marre de leur progéniture, que les enfants ne sont pas que des petits êtres merveilleux transcendant nos vies mais aussi, parfois (souvent ?), des contraintes les compliquant de manière considérable (peu importe qu'ils soient handicapés, ou non).
Inutile de dire que du coup, si le principe de la transgression est séduisant le résultat est à la fois gênant et irritant. Gênant parce que, comme dit plus haut, les "bons mots" de Fournier sont souvent malheureux, et qu'on ne peut s'empêcher de se dire que le même livre écrit sur le mode de la fiction aurait été taxé d'indécence. Et irritant parce que comme tout est fait pour insister sur le côté autobiographique, on se sent bien en peine de juger de la décence de Jean-Louis Fournier... tout en sachant pertinemment qu'avoir des enfants handicapés n'a jamais empêché quiconque de se montrer indécent. Oui, dit la petite voix dans notre tête, mais d'un autre côté ce sont ses enfants, il a droit de dire ce qu'il veut au sujet de sa paternité à lui et rien qu'à lui. Oui, répond l'autre voix, mais depuis quand l'autobiographie est-elle une excuse aux maladresses voire au mauvais goût d'un auteur ? D'accord, reprendre la voix N°1... et ainsi de suite.
Reste donc un livre à l'intérêt certain, ne serait-ce que pour les questions qu'il fait se poser quant à la manière de l'appréhender. Mais dont, malheureusement, on ne sait pas trop quoi faire...
✋ Où on va, Papa ?
Jean-Louis Fournier | Stock, 2008
D'autres avis : Cathe, Yohan, Ys ...
A voir également, pour découvrir une approche totalement différente (peut-être même inverse), le site de la maman.
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Même pas fini tellement je l'ai trouvé mauvais.
RépondreSupprimerAttention, c'est le prix Femina qu'il a obtenu, pas le Renaudot... (qui a été donné au roman Le roi de Kahel si je ne m'abuse)
RépondreSupprimerLapsus non dénué d'intérêt, mais c'est une autre histoire ;)
RépondreSupprimerMerci de l'avoir relevé, c'est corrigé.
You're welcome :) Pareillement ce livre m'a mise très mal à l'aise, par son sujet inattaquable et son intérêt littéraire très pauvre...
RépondreSupprimerBillet trés intéressant puisqu'il permet d'avoir enfin un avis digne de ce nom sur ce livre... cela dit, je ne l'ai pas lu, je trouve le sujet beaucoup trop déprimant.
RépondreSupprimerAlors ça c'est un gentil commentaire :-)
RépondreSupprimerCa me fait plaisir ce que tu dis là car après l'avoir lu et ne pas l'avoir aimé (au point de ne pas prendre la peine d'en parler sur mon blog), la presse et les critiques et les prix littéraires l'ont encensé. Mais maintenant il y a toi :-)
RépondreSupprimerEh oui : quand la presse défaille, quand la critique courbe l'échine, quand le lecteur panique... un seul homme se dresse pour venger le blogueur et l'orphelin ;-)
RépondreSupprimerMille fois d'accord avec tout ce qui vient d'être dit. Le succès de ce livre prouve hélas que, même quand on ne verse pas dans le pathos, on bon gros sujet guimauve fait vendre.
RépondreSupprimerC'est bien vrai...
RépondreSupprimer(et toujours content de vous lire)
Enfin une vraie critique! Entièrement d'accord avec cette chronique. D'autant plus que j'ai découvert le site passionnant de la maman: http://ouonvamaman.monsite.orange.fr
RépondreSupprimerOn y comprend que c'est la mère qui a eu la charge de ses enfants handicapés. C'est un peu fort de voir que c'est le père qu'on admire et qu'on plaint alors qu'il ne parle même pas du rôle de sa femme dans l'éducations des enfants.
Léonard
Merci !
RépondreSupprimer"on ne peut s'empêcher de se dire que le même livre écrit sur le mode de la fiction aurait été taxé d'indécence" : la phrase la plus juste lue sur ce livre, que j'avais pourtant bien aimé, mais qui m'avait laissé comme un petit goût de malaise. Tu viens de me révêler pourquoi...
RépondreSupprimerJe suis content de voir que je ne suis pas le seul à avoir éprouver un certain malaise durant cette lecture...
RépondreSupprimerOn ne comprend pas très bien la maman de Matthieu et Thomas qui d'un côté éprouve le besoin de créer son site pour avertir les lecteurs qu'il s'agit d'un ROMAN, donc d'une fiction et qui de l'autre se justifie en clamant qu'ELLE, elle a été une bonne mère !!!!
RépondreSupprimerIl ne s'agit pas de sa vie privée (on s'en fiche!) il s'agit d'un texte littéraire qu'on peut apprécier ou non
BULLE
Bonsoir Bulle,
RépondreSupprimerJ'ai parcouru un peu le site, et même si personnellement ça ne m'intéresse pas (le côté littéraire me suffit, et je crois pouvoir faire la part des choses), je ne vois pas de contradiction profonde dans les propos de cette dame. Les quelques passages où elle parle du livre sont emprunts d'une dignité d'autant plus remarquable qu'on en connaît beaucoup, des proches d'écrivains ayant commis des romans autobiographiques, qui l'ont très très très très mal pris. Or ce n'est de toute évidence pas le cas ici (et puis nous sommes en face d'un petit site amateur, pas vraiment d'une riposte médiatique dont les intentions pourraient être sujettes à caution !).
Si d'un côté elle évoque le fait qu'il s'agisse d'un roman (ce que l'auteur n'a jamais nié), tout en se "justifiant" de l'autre... il faut bien comprendre qu'elle est prise dans une ambigüité qu'elle n'a pas créée ni souhaitée. Et si Jean-Louis Fournier parle en effet très peu de la mère dans son récit, d'autres s'en sont chargés pour lui, c'est le lot de tous les livres à succès, surtout s'ils sont autobiographiques, que d'entraîner ce genre de palabres. En somme, il me semble qu'elle n'essaie en aucune manière d'imposer une quelconque "vérité" en guise de contrepoint au livre - juste qu'elle s'oppose à certaines rumeurs plus ou moins fondées nées du succès de ce livre...
Je suis Agnès Brunet, la maman des deux handicapés Matthieu et Thomas, « héros » malgré eux de ce fameux livre à succès qui n’est plus à présenter.
RépondreSupprimerJe viens de recevoir une mise en demeure de l’auteur et de l’éditeur de ce livre me sommant de ne pus utiliser le titre de mon site « Ou on va maman ?» qui serait une « contrefaçon du titre du livre ». Je suis également obligée de supprimer certains passages considérés comme « diffamatoires » et qui seraient une atteinte à la « vie privée de l’auteur » (sic).
Que pensez-vous de cette censure, surtout de la part d’un « humoriste » ?
Etonnant ! Non ?
Vous comprendrez que je ne me sens pas de taille à lutter à armes égales avec le service juridique d’une grande maison d’édition et que je suis contrainte à m’incliner.
J’ai dû fermer avec regret « Où on va maman ? » qui m’a apporté tant de témoignages chaleureux..
Je publie une nouvelle version expurgée de mon site qui cette fois ne devrait pas être attaquable.
Je repars donc à zéro. Voici l’adresse de ce nouveau site :
http://mamanmathieuetthomas.monsite.orange.fr
Merci de la diffuser, si vous le souhaitez.
Très cordialement.
Agnès
brunet-agnes@orange.fr
Bonsoir Agnès,
RépondreSupprimerComme je le disais plus haut je ne suis jamais très à l'aise pour sortir du cadre des livres, mais là, je dois dire qu'il est impossible de ne pas trouver cette histoire totalement absurde. J'ai le sentiment qu'on a surtout cherché à vous intimider ; je ne suis certes pas expert en droit de l'édition, mais les quelques connaissances que j'ai me laissent croire qu'il aurait tout de même été difficile de prouver la contrefaçon (puisque le délit de contrefaçon induit si je ne m'abuse l'idée de laisser croire que le "produit" est l'original, ce qui n'est évidemment pas le cas ici). Sans aucun doute votre site dérangeait-il le gentil barda promotionnel, on aura voulu vous obliger à adopter un nom de domaine qui renvoie de manière moins directe au livre... l'intimidation par le référencement, je ne connaissais pas, mais connaissant un peu le milieu littéraire ça ne m'étonne même pas (je me contente d'être abasourdi... à ce moment là je pourrais moi-même donner libre cour à des poursuites vue mon habitude de détourner des titres d'oeuvres pour intituler mes articles ! du grand n'importe quoi...).
Bref. C'est avec plaisir que je parlerai de votre site autour de moi ; sur ce blog compris, bien sûr (quel meilleur endroit que cet article ?... je vais rajouter un lien à la fin du billet).
Bonne soirée.
Quel pourri ce mec!
RépondreSupprimerC'est peut-être bon comme ça, non ?
RépondreSupprimerQue j'aie été l'un des rares à écrire une critique (LITTERAIRE, faut-il le rappeler ? Apparemment oui...) de ce livre ne signifie pas que cet article soit ouvert aux attaques concernant la personne d'un écrivain que je ne connais et ne connaîtrai jamais. J'ai été patient et bienveillant une fois, deux fois, trois fois... considérant que tout le monde avait le droit de s'exprimer dans ces pages. Maintenant faut pas exagérer non plus, ce blog n'est pas fait pour insulter les gens. Si vous avez quelque chose à dire à M. Fournier, écrivez lui, et ne me prenez pas en otage d'une histoire qui ne me concerne en rien (ni moi ni la place publique, du reste).
Le prochain commentaire n'ayant pas trait directement au livre sera supprimé.
Qu'est-ce qu'on se marre sur Le Golb :D
RépondreSupprimerOuais, t'as vu ça ? :-)
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