Dans l'immensité de la Rentrée littéraire, noyé sous des litres d'excréments de pipoles du livre rêvant chaque nuit du mot littérature, se terrait un ouvrage singulier, au verbe haut et au talent insolent, dont le titre sonne comme celui de quelque œuvre maudite. Hyrok. Ce qui tombe plutôt bien puisque d'œuvre maudite, il est justement question. Mais pas que. Oh non ! Pas du tout que.
Car à travers la trajectoire de Louison Rascoli, plus grand photographe de sa génération dont le destin tragique nous est narré par son fils quelques quarante années plus tard, c'est à un étonnant voyage que nous invite Nicolaï Lo Russo (par ailleurs - et entre autres - lui-même photographe). D'autant plus étonnant que c'est notre monde qu'il nous amène à visiter, façon yoyo temporel habile puisqu'évitant soigneusement de trop tirer sur la ficelle. Comprendre par-là que si le narrateur nous écrit depuis un futur (relativement) proche pour évoquer tant les dernières années de la vie de son père que ce monde (le nôtre) dans lequel il vécut, Lo Russo a l'intelligence de ne pas abuser des anachronismes rétrospectifs et autres références contemporaines (le prologue mis à part... par ailleurs la partie la moins réussie - parce que somme toute assez facultative - de Hyrok), préférant la mise en abyme et la suggestion à des références frontales qui auraient sans le moindre doute viré au procédé sur la longueur (cinq-cent pages tout de même... or contrairement à ce que semblent croire certains auteurs anglo-saxons le volume n'est pas une invitation à se laisser aller - il induit au contraire la nécessité d'une retenue dont Nicolaï Lo Russo fournit une remarquable illustration).
C'est loin d'être le seul élément remarquable dans ce premier roman ; c'est cependant parce que cette forme est impeccable, maîtrisée de bout en bout, que la richesse du fond peut éclater au grand jour. Car Hyrok relève sur le papier du sacerdoce d'écrivain (soit donc potentiellement du sacerdoce de lecteur, du moins s'il était raté - ce qu'il n'est évidemment pas). A la fois satire acide ET roman d'anticipation ET histoire particulièrement haletante ET chronique de mœurs ET biographie fantasmée ET réflexion sur la place de l'image ET de l'artiste dans notre société ET interrogation plus que pertinente sur le prix de la création ET peinture d'un monde en perpétuel mutation ET...
Hyrok réunit tous les éléments requis pour être un vrai gros flop, un énorme truc indigeste... or c'est exactement de l'inverse qu'il s'agit. Étonnante de fluidité, la narration embarque le lecteur dans un tourbillon d'images et d'évènements , souvent chaotique mais jamais brouillon, se défiant des schémas littéraires préconçus comme des références trop évidentes ; allez savoir pourquoi, on pourra penser à un compromis curieux (quoique pas forcément absurde) entre Cronenberg et Lorrain. Il y a du Monsieur de Phocas là-dedans. Ce qui, pour ceux qui connaissent le stratosphérique niveau du chef-d'œuvre de Jean Lorrain (existent-ils encore en 2009 ?), n'est pas rien. De quoi largement légitimer l'existence de la controversée collection M@nuscrits (*). Et donner envie de suivre d'un peu plus près Nicolaï Lo Russo - bien sûr.
(*) Ne serait-ce que parce que ce livre est gros, écrit petit, particulièrement intelligent et complexe... bref, tout ce qui fait peur à l'éditeur français de base (et toc).
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Car à travers la trajectoire de Louison Rascoli, plus grand photographe de sa génération dont le destin tragique nous est narré par son fils quelques quarante années plus tard, c'est à un étonnant voyage que nous invite Nicolaï Lo Russo (par ailleurs - et entre autres - lui-même photographe). D'autant plus étonnant que c'est notre monde qu'il nous amène à visiter, façon yoyo temporel habile puisqu'évitant soigneusement de trop tirer sur la ficelle. Comprendre par-là que si le narrateur nous écrit depuis un futur (relativement) proche pour évoquer tant les dernières années de la vie de son père que ce monde (le nôtre) dans lequel il vécut, Lo Russo a l'intelligence de ne pas abuser des anachronismes rétrospectifs et autres références contemporaines (le prologue mis à part... par ailleurs la partie la moins réussie - parce que somme toute assez facultative - de Hyrok), préférant la mise en abyme et la suggestion à des références frontales qui auraient sans le moindre doute viré au procédé sur la longueur (cinq-cent pages tout de même... or contrairement à ce que semblent croire certains auteurs anglo-saxons le volume n'est pas une invitation à se laisser aller - il induit au contraire la nécessité d'une retenue dont Nicolaï Lo Russo fournit une remarquable illustration).
C'est loin d'être le seul élément remarquable dans ce premier roman ; c'est cependant parce que cette forme est impeccable, maîtrisée de bout en bout, que la richesse du fond peut éclater au grand jour. Car Hyrok relève sur le papier du sacerdoce d'écrivain (soit donc potentiellement du sacerdoce de lecteur, du moins s'il était raté - ce qu'il n'est évidemment pas). A la fois satire acide ET roman d'anticipation ET histoire particulièrement haletante ET chronique de mœurs ET biographie fantasmée ET réflexion sur la place de l'image ET de l'artiste dans notre société ET interrogation plus que pertinente sur le prix de la création ET peinture d'un monde en perpétuel mutation ET...
Hyrok réunit tous les éléments requis pour être un vrai gros flop, un énorme truc indigeste... or c'est exactement de l'inverse qu'il s'agit. Étonnante de fluidité, la narration embarque le lecteur dans un tourbillon d'images et d'évènements , souvent chaotique mais jamais brouillon, se défiant des schémas littéraires préconçus comme des références trop évidentes ; allez savoir pourquoi, on pourra penser à un compromis curieux (quoique pas forcément absurde) entre Cronenberg et Lorrain. Il y a du Monsieur de Phocas là-dedans. Ce qui, pour ceux qui connaissent le stratosphérique niveau du chef-d'œuvre de Jean Lorrain (existent-ils encore en 2009 ?), n'est pas rien. De quoi largement légitimer l'existence de la controversée collection M@nuscrits (*). Et donner envie de suivre d'un peu plus près Nicolaï Lo Russo - bien sûr.
👍👍 Hyrok
Nicolaï Lo Russo | Léo Scheer, 2009
(*) Ne serait-ce que parce que ce livre est gros, écrit petit, particulièrement intelligent et complexe... bref, tout ce qui fait peur à l'éditeur français de base (et toc).
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Voilà qui donne envie.
RépondreSupprimerJ'ai été lire le résumé sur le Net (je ne vous reproche pas de ne pas le faire, je sais que vous détestez cela), ce livre a, en effet, l'air très intéressant. On va voir. Je réfléchis un peu.
Bon week-end,
BBB.
"le prix de la création"
RépondreSupprimerc'est un beau sujet de reflexion...
Alors évidemment, une comparaison avec Lorrain, je ne peux pas résister...
RépondreSupprimerCa a l'air très intéressant, en effet. Merci du tuyau ! H.
RépondreSupprimerEh bien j'espère que vous investirez ;-)
RépondreSupprimercela sent une nouvelle dépense pour moi...pourtant je ne te suis pas toujours sur tes choix mais là je vai te faire confiance....
RépondreSupprimerEntre nous j'espère bien que personne ne suit mes choix sans broncher... ce serait d'une tristesse !
RépondreSupprimerGentille critique très personnelle merci
RépondreSupprimerj'ai envie d'acheter le livre tiens...
Je l'ai cherché, mais pas trouvé.
RépondreSupprimerJe note, je réessaierai plus tard.
BBB.
Shinemoon >>> vous avez raison, j'ai tendance à être gentil, surtout avec les artistes inconnus qui cherchent (parfois en vain) à se faire une petite place. C'est marrant d'ailleurs, car ceux qui me lisent ont plutôt tendance à me reprocher ma sévérité, alors que j'ai généralement la sensation d'être assez "bon public". Rien que pour ça, merci pour votre commentaire.
RépondreSupprimerBBB. >>> il est pourtant sur amazon, tenez : ICI
Thomas, tu n'es en effet que rarement sévère, mais quand tu l'es, tu t'avères particulièrement saignant, avec un goût forcené pour le démontage en règle, l'exposition détaillée des rouages de la médiocrité.
RépondreSupprimerPar conséquent, ça marque beaucoup plus l'esprit du lecteur, bizarrement.
Enfin, c'est mon humble opinion.
Sans doute...
RépondreSupprimerEt puis pose toi la question: tu crois que les gens se rappellent des critiques positives de Nicolas Ungemuth? :-)
RépondreSupprimerBien sûr ! Surtout qu'il y a pas mal d'années, il m'a fait découvrir Echo & The Bunnymen...
RépondreSupprimerbah chouette un truc nouveau, moi qui manquat de lecture... quoiqu'il me semble que ça fait un bail que je n'ai rien noter chez toi, c'est pas normal j'ai dû oublier... hop je note celui-ci :-)
RépondreSupprimerC'est vrai ça, dis donc... je me sens un peu coupable... !
RépondreSupprimerMerci pour le lien !
RépondreSupprimer[il faudra donc tout me faire]
BBB.
Oui enfin pour le numéro de CB, vous vous débrouillerez sans moi ^^
RépondreSupprimerc'est etonnant, je viens de le lire alors que je n'avais pas remarqué (consciemment) que tu avais publié un chronique dessus...je viens de publier mon avis également mais même avec quelques réserves j'ai été assez emballé...
RépondreSupprimerTu n'avais pas remarqué "consciemment" ?
RépondreSupprimer... pourtant il y a bien un peu plus haut un commentateur de toi disant que je t'ai convaincu de le lire !!!
Un commentaire, pardon !
RépondreSupprimeroui ouups...comme quoi je ne me souvenais même plus avoir laissé un commentaire...tu me diras c'est bien dans la ligne du livre et de la prise de pouvoir des avatars....effrayant ce truc
RépondreSupprimerNon mais écoute, je suis assez honoré que tu m'aies confondu avec Le Monde ses Livres :-)
RépondreSupprimerle truc maintenat serait de voir si le monde des livres en a parlé... et que je rectifie ma notule pour rendre à Cesar ce qui est Thom
RépondreSupprimerj'ai enquété, c'est bien toi ma source...j'ai réparé mon erreur et apprécie cette façon de me "ridiculiser"....
RépondreSupprimerAh tu sais, contre une modeste rémunéraation j'étais prêt à supprimer tous ces commentaires compromettants ^^
RépondreSupprimerj'adore me ridiciliser, c'est ce que rend tout le monde humain
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