Serais-je donc le seul au monde à m'interroger sur The West Wing ? La fiction créée il y a déjà plus de dix ans par Aaron Sorkin a il est vrai énormément de qualités (elle est drôle, intelligente, bien jouée, témoigne d'une connaissance parfaite des arcanes du pouvoir aux Etats-Unis et est servie par des dialogues remarquables), mais en la découvrant si longtemps après (*) difficile de ne pas être frappé par quelque chose auquel j'étais loin de m'attendre, à plus forte raison parce qu'on nous vend systématiquement cette série comme hyper-réaliste (ce qui n'est en rien une qualité artistique, un apprenti peintre reproduisant à la perfection la corbeille de fruits sur laquelle il s'exerce ne peut en aucun cas prétendre au génie)... : son côté étonnamment inoffensif et consensuel. Certains zapperont peut-être dès la fin de ce paragraphe ; ils auraient tort, cet article ne se voulant en aucun cas un démontage en règle d'une série par ailleurs très réussie et (trop ?) agréable à suivre. Tout au plus s'agit-il d'une interrogation sincère, réalisée après visionnage d'une seule saison (sur sept).
The West Wing, au cas où vous ne le sauriez pas, s'intéresse donc au fonctionnement interne de la Maison Blanche, au bouillonnant entourage d'un Président (Martin Sheen) qui, pour n'en être pas moins un personnage important, n'est pas non plus vraiment le personnage central (fonction narrative qui au début semble plutôt dévolue au chief of staff adjoint Josh Lyman, et à l'attachée de presse CJ Cregg). On imagine sans mal la petite révolution orchestrée par un tel programme en 1999, quand le sujet était des plus inédits à la télévision (il n'aura échappé à personne qu'il a fait des petits depuis lors). Mais là où l'on pouvait s'attendre à quelque chose de mordant on découvre une série au ton souvent léger, bon enfant, assez éloignée de l'idée que l'on peut se faire d'un programme dont l'intégralité des personnages est composée d'hommes politiques. Vous pensiez que pour arriver à un tel niveau de responsabilité il fallait être un tueur, pourvu d'un sang glacé et d'une intelligence supérieure ? Pas du tout : le staff du Président Jed Bartlet est une bande de braves types sympathiques et rigolos (mais pas aussi rigolos que le Président lui-même, il n'a pas hérité du poste pour rien), avec certes des défauts mais sans carriérisme ni égos trop choquants pour la ménagère. La politique, un monde de brutes ? Le pays des Bisounours, plutôt !
Il y a bien quelques dilemmes moraux délicats, on les repère assez facilement car à ce moment-là Martin Sheen cesse de cabotiner durant une demi-scène et contracte du mieux possible un visage de plus en plus inexpressif avec le temps. Déchiré, il consulte alors ses plus proches collaborateurs, notamment Leo McGarry (son directeur de cabinet), un homme solide, honnête et loyal, accessoirement le patron que tout citoyen américain rêverait d'avoir (il pardonne même à ses ennemis les trémolos dans la voix). Et si vraiment il ne trouve pas de solution, il y a fort à parier qu'il réussira à trouver le réconfort auprès de son épouse. Si The West Wing a bien une qualité indéniable, c'est de montrer que le système américain tout présidentiel qu'il soit n'accorde pas tous les pouvoirs à son numéro 1, et que dans bien des cas celui-ci est peu de choses. Le problème c'est que cet aspect est systématiquement retourné à l'avantage de l'image whitehousienne, puisqu'il fait chaque fois passer Bartlet pour le brave type ordinaire qui porte le lourd fardeau de servir noblement son pays... mais qui jamais ô grand jamais ne commettra un péché capital - même pas celui d'orgueil. Pour intéressant que soit le voyage dans les rouages de la Maison Blanche, le message nettement positif et enthousiaste projeté met tout de même mal à l'aise, surtout lorsqu'il change une histoire de peine de mort ou de lutte pour le droit des gays en vulgaire intrigue de bureau qui sera oubliée le lendemain. Le fait est qu'aucun des héros de The West Wing ne semble avoir vraiment de côté obscur, chacun constituant d'ailleurs un caractère assez simple et linéaire. Ce n'est être ni cynique ni démago que de s'étonner du manque de noirceur de l'ensemble et de d'adhérer que modérément au chant d'amour à la politique entonné en permanence par Aaron Sorkin (La politique c'est dur, il y a des coups des bas des méchants républicains... mais qu'est-ce que c'est génial de servir son pays !). Si l'on compare The West Wing au versant le plus politisé de The Wire (en gros les trois dernières saisons), c'est nettement au désavantage de la première, qui donne parfois l'impression d'être tellement impressionnée par le monde dont elle parle qu'elle ne le critique qu'à contre-cœur.
Cela m'a réellement frappé lorsqu'un soir, au début d'un épisode, ma femme m'a dit qu'elle adorait cette série parce que dès qu'elle entendait le générique elle ressentait quelque chose de rassurant et d'apaisant. C'est effectivement vrai : The West Wing est souvent à l'image de sa musique entre fanfare et dessin-animé de Walt Disney, rassurante, bienveillante, chaleureuse. En fait, replacée dans le contexte, elle me semble tout à fait novatrice dans les thèmes abordés... mais pas du tout dans leur traitement très série mainstream des années 90 . Vu ce que les Français pensent de la politique il va sans dire qu'on n'est pas prêt de voir une série pareille chez nous. Mais honnêtement si le but secret de celle-ci n'était pas de changer l'image que les Américains avaient de la politique, je ne sais pas ce que c'était.
A suivre - on reparlera des saisons suivantes, voir si la série gagne en épaisseur.
EDIT : En général ce sont des paroles en l'air mais figurez-vous qu'on en a vraiment reparlé une fois l'intégralité de la série visionnée, dans un très longue article.
👍 The West Wing [A la Maison Blanche] (saison 1)
créée par Aaron Sorkin
NBC, 1999-2000
(*) J'avais déjà vu la première saison lors de son passage sur France 2, mais j'avoue que je ne m'en souvenais pas plus que ça.
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The West Wing, au cas où vous ne le sauriez pas, s'intéresse donc au fonctionnement interne de la Maison Blanche, au bouillonnant entourage d'un Président (Martin Sheen) qui, pour n'en être pas moins un personnage important, n'est pas non plus vraiment le personnage central (fonction narrative qui au début semble plutôt dévolue au chief of staff adjoint Josh Lyman, et à l'attachée de presse CJ Cregg). On imagine sans mal la petite révolution orchestrée par un tel programme en 1999, quand le sujet était des plus inédits à la télévision (il n'aura échappé à personne qu'il a fait des petits depuis lors). Mais là où l'on pouvait s'attendre à quelque chose de mordant on découvre une série au ton souvent léger, bon enfant, assez éloignée de l'idée que l'on peut se faire d'un programme dont l'intégralité des personnages est composée d'hommes politiques. Vous pensiez que pour arriver à un tel niveau de responsabilité il fallait être un tueur, pourvu d'un sang glacé et d'une intelligence supérieure ? Pas du tout : le staff du Président Jed Bartlet est une bande de braves types sympathiques et rigolos (mais pas aussi rigolos que le Président lui-même, il n'a pas hérité du poste pour rien), avec certes des défauts mais sans carriérisme ni égos trop choquants pour la ménagère. La politique, un monde de brutes ? Le pays des Bisounours, plutôt !
Il y a bien quelques dilemmes moraux délicats, on les repère assez facilement car à ce moment-là Martin Sheen cesse de cabotiner durant une demi-scène et contracte du mieux possible un visage de plus en plus inexpressif avec le temps. Déchiré, il consulte alors ses plus proches collaborateurs, notamment Leo McGarry (son directeur de cabinet), un homme solide, honnête et loyal, accessoirement le patron que tout citoyen américain rêverait d'avoir (il pardonne même à ses ennemis les trémolos dans la voix). Et si vraiment il ne trouve pas de solution, il y a fort à parier qu'il réussira à trouver le réconfort auprès de son épouse. Si The West Wing a bien une qualité indéniable, c'est de montrer que le système américain tout présidentiel qu'il soit n'accorde pas tous les pouvoirs à son numéro 1, et que dans bien des cas celui-ci est peu de choses. Le problème c'est que cet aspect est systématiquement retourné à l'avantage de l'image whitehousienne, puisqu'il fait chaque fois passer Bartlet pour le brave type ordinaire qui porte le lourd fardeau de servir noblement son pays... mais qui jamais ô grand jamais ne commettra un péché capital - même pas celui d'orgueil. Pour intéressant que soit le voyage dans les rouages de la Maison Blanche, le message nettement positif et enthousiaste projeté met tout de même mal à l'aise, surtout lorsqu'il change une histoire de peine de mort ou de lutte pour le droit des gays en vulgaire intrigue de bureau qui sera oubliée le lendemain. Le fait est qu'aucun des héros de The West Wing ne semble avoir vraiment de côté obscur, chacun constituant d'ailleurs un caractère assez simple et linéaire. Ce n'est être ni cynique ni démago que de s'étonner du manque de noirceur de l'ensemble et de d'adhérer que modérément au chant d'amour à la politique entonné en permanence par Aaron Sorkin (La politique c'est dur, il y a des coups des bas des méchants républicains... mais qu'est-ce que c'est génial de servir son pays !). Si l'on compare The West Wing au versant le plus politisé de The Wire (en gros les trois dernières saisons), c'est nettement au désavantage de la première, qui donne parfois l'impression d'être tellement impressionnée par le monde dont elle parle qu'elle ne le critique qu'à contre-cœur.
Cela m'a réellement frappé lorsqu'un soir, au début d'un épisode, ma femme m'a dit qu'elle adorait cette série parce que dès qu'elle entendait le générique elle ressentait quelque chose de rassurant et d'apaisant. C'est effectivement vrai : The West Wing est souvent à l'image de sa musique entre fanfare et dessin-animé de Walt Disney, rassurante, bienveillante, chaleureuse. En fait, replacée dans le contexte, elle me semble tout à fait novatrice dans les thèmes abordés... mais pas du tout dans leur traitement très série mainstream des années 90 . Vu ce que les Français pensent de la politique il va sans dire qu'on n'est pas prêt de voir une série pareille chez nous. Mais honnêtement si le but secret de celle-ci n'était pas de changer l'image que les Américains avaient de la politique, je ne sais pas ce que c'était.
A suivre - on reparlera des saisons suivantes, voir si la série gagne en épaisseur.
EDIT : En général ce sont des paroles en l'air mais figurez-vous qu'on en a vraiment reparlé une fois l'intégralité de la série visionnée, dans un très longue article.
👍 The West Wing [A la Maison Blanche] (saison 1)
créée par Aaron Sorkin
NBC, 1999-2000
(*) J'avais déjà vu la première saison lors de son passage sur France 2, mais j'avoue que je ne m'en souvenais pas plus que ça.
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Vous pouvez vous rassurer : moi aussi, cela m'a déjà interpellé. Cependant, ce côté 'gentil' tend à s'effacer, au fil des épisodes, notamment à l'approche des élections; Vous verrez bien.
RépondreSupprimerBonne journée,
BBB.
on reparlera des saisons suivantes, voir si la série gagne en épaisseur
RépondreSupprimerJ'espère parce que là, ça donne autant envie qu'un album de Phil Collins! :-D
Pur chipotage de ta part.
RépondreSupprimerThe West Wing est géniale, et puis c'est tout !
Pas mieux!
RépondreSupprimer(que Bloom je veux dire)
RépondreSupprimerPareil que Bloom et Lil' !
RépondreSupprimerRébellion !
Il est vrai que la révolution peut se passer d'arguments.
RépondreSupprimerMais tout de même, votre révolte, chers amis, me semble un peu pauvre, en terme de fond.
;-)
BBB.
C'est vrai qu'on a vu mieux, niveau argumentation ^^
RépondreSupprimerJe ne nie pas la qualité de cette série, que je trouve très bien et que je continue à suivre avec plaisir. Il y a plein d'excellentes choses dedans... simplement je trouve qu'il y a, au stade où j'en suis (début de la saison 2) une certaine superficialité à laquelle je ne m'attendais pas. Maintenant c'est peut-être le prix à payer pour parler de politique en prime-time sur un Network...
Oui mais il y a aussi une intelligence et une rigueur documentaire sur lesquelles, excuse-moi, ton article fait totalement l'impasse.
RépondreSupprimerAttends, tu es injuste là. J'ai écrit je te signale :
RépondreSupprimer"elle est drôle, intelligente, bien jouée, témoigne d'une connaissance parfaite des arcanes du pouvoir aux États-Unis et est servie par des dialogues remarquables"
Quand même ! Maintenant non, je ne suis pas aussi dithyrambique que d'autres. Mais ce n'est pas par hasard que j'ai choisi cet angle : d'une part, il m'a vraiment frappé ; d'autre part il se démarque des choses enthousiastes et totalement dépourvues de nuances qu'on lit en général sur cette série.
Woputain ! Il n'a pas mis 7/6 à West Wing. retenez moi ou je hacke ce malotru !
RépondreSupprimerEt encore, t'as pas vu ma note sur Le Prisonnier ;-)
RépondreSupprimerTu... je... Mais... AAAAAAARGH !!!
RépondreSupprimerBon, je vais te soutenir un peu. Je n'ai jamais trop aimé cette série. Je trouve Martin Sheen insupoprtable (en plus il tire sans cesse la couverture à lui alors que l'argument est collectif) et les intrigues un peu light. Jamais compris que ce soit à ce point encensé par la critique. Il n'y a ni des acteurs géniaux, ni une histoire super bien écrite, ni une atmosphère particulière... pour 4/6, c'est déjà beaucoup trop généreux. En plus - tu en parles un peu mais pas assez - la musique est insupportable, c'est laid, pompier, tellement Américain (et c'est un Américain qui le dit!)...
RépondreSupprimerMais qu'il est méchant!
RépondreSupprimerCeci dit, à la réflexion, tu n'as pas tort. Mais c'est aussi parce que tu ne regardes cette excelllentissime série que maitenant que tu réagis comme ça.
The West Wing date d'une époque ou les séries télé était beaucoup consensuelles: on suit les aventures des gentils qui se battent contre les méchants. Les héros sont très largement positifs, le monde est en noir et blanc.
On est avant notre cher Dexter, avant Lost et ses persos ambigus, avant toutes les séries de flic qui s'arrangent avec la morale. C'est une époque ou les héros sont des héros, point. Donc ils sont forcément gentils.
Et oui, le staff de la maison blanche est composé de bisounours surdiplomés rigolos. C'est ausssi ça qui fait qu'on a plaisir à les suivre: lees dialogues sont à la fois très intelligents et très drôles, les situations sont souvent cocasses...
Et puis, c'est aussi une série engagées par rapport à certains thèmes très polémiques aux états-unis: racisme, avortement, religion... Avoir des persos à plusieurs facettes qui s'expriment sur ce genre de sujets, ça aurait été encore un peu plus compliqué.
Mais bon, continue de regarder, y'a des moments plus durs qui arrivent, quand même, et l'enseble de la série est tout simplement énorme.
Christophe >>> hé ! reste avec nous !!!
RépondreSupprimerSerious >>> c'est vrai que la musique...
DNDM >>> c'est un peu ce que je voulais dire par "série mainstream des années 90". C'est vrai que The West Wing est une série pré-beaucoup de choses (et notamment pré-Soprano). Bon ceci dit, en 1999 on trouvait quand même quelques séries grand public dont les personnages étaient plus complexes et avaient une part d'ombre (Buffy, NYPD Blue, The Practice, Profit... et je ne parle pas d'Oz, qui était sur le câble). Mais c'est vrai qu'elles étaient plus l'exception que la règle.
Disons qu'il y a des moments où j'oublie cet aspect consensuel, et d'autres où je me le prends de plein fouet (hier soir encore, épisode 7 de la saison 2, Leo qui envoie bouler sa soeur en disant "on ne fait pas ça pour tirer la couverture à nous", le Président qui conclut l'épisode en clamant "j'adore ce job"...
Mais tu as raison, je la regarde sans doute trop tard. J'essaierai de passer outre dans mes articles sur les saisons suivantes, promis ;-)
Essaye de retrourner au XX eme siecle histoire de l'apprécier à son juste niveau ;-)
RépondreSupprimer(Non mais c'est pas le propre des bonnes oeuvres que de devoir résister au temps qui passe normalement?)
C'est plus difficile pour les séries, surtout si comme celles-ci elles sont liées à l'actu. Et de toute façon elles obéissent à des contraintes un peu différentes d'oeuvres "normales"...
RépondreSupprimerComme tu le sais, je suis très fan de cette série, mais ton billet me fait réfléchir, et je me demande si tout ce que tu pointes n'est pas lié au parti pris idéaliste et pédagogique de Sorkin, qui (bien conseillé) a su présenter d'une façon à mon sens passionnante le fonctionnement des institutions politiques américaines. Certes, il a mis au pouvoir des personnages incarnant ses valeurs qui sont la plupart du temps vertueux, ou en tout cas dotés d'un solide sens éthique. Ils sont cependant confrontés à la réalité du pouvoir puisqu'ils doivent sans cesse revoir leurs idéaux à la baisse et sont souvent impuissants face aux Républicains qui tiennent le Sénat et la Chambre des représentants. C'est vrai, ce n'est pas une série subversive, elle ne joue pas avec les codes d'un genre, elle n'est pas dans la transgression comme bon nombre de grandes séries, mais encore une fois, ce n'était pas dans le projet de départ.
RépondreSupprimerc'est toujours un difficile exercice de se juger une série en occultant ce qu'elle a permis par la suite,
RépondreSupprimermais finalement west wing a-t-elle influencé d'autres séries?
son seul équivalent américain est assez pauvre (Commander in chief), et son homologue anglaise (Les années Tony Blair) n'a aucun rapport dans les partis pris, l'ancrage historique, etc.
Il y a quelque chose d'une série de science fiction dans West wing, parce que même si elle se situe aujourd'hui et parle d'enjeux actuels, elle se situe dans une uchronie.
Elle tient plus de la parabole sur le bien et l'exercice du bien par l'intelligence, la supériorité de l'esprit sur la matière, dont la politique américaine ne serait qu'une toile de fond choisie parmi d'autres.
C'est ce qui la rend si belle cette série (ça donne envie de croire à la politique, et me^me d'en faire), mais comme souvent les contes et paraboles. "Dans une république très lointaine, il y a très longtemps, il y avait un président si sage, si intelligent, que chaque parole de lui transformait son interlocuteur et le nimbait d'une auréole de vertu."
C'est pas star wars, c'est State wars, cette série :-)
Waouh. Deux excellents commentaires pour le prix d'un ! Merci Mélanie , merci Arbobo !
RépondreSupprimerLa question de l'idéalisme... c'est effectivement un aspect auquel je n'ai pas pensé, probablement parce que l'on m'a carrément survendu The West Wing comme une série au réalisme exceptionnel, ce qu'elle n'est jamais ou tout le moins juste du point de vue conceptuel. La remarque sur l'uchronie me va très bien, parce qu'effectivement on a le sentiment d'être dans un monde parallèle, dans lequel tout le monde se tient la main et/ou se serre les coudes sans autre ambition que de servir son pays et faire le bien d'un peuple éclairé qui ne peut pas ne pas comprendre (peuple que d'ailleurs on ne voit jamais).
En fait, le péché originel de la saison 1, c'est aussi qu'on prend Bartlet et son staff en cours de route ; d'ailleurs les auteurs ont dû s'en rendre compte, puisqu'au début de la seconde ils multiplient les flashbacks et montrent la rencontre entre tous ces personnages, dévoile leurs backgrounds (notamment le fait qu'à la base hormis Josh, Leo et Bartlet, aucun n'est un professionnel de la politique). Cela les épaissit déjà un peu, même si je reste sceptique car rien ne m'a permis de comprendre pourquoi ils avaient liés leur destin à celui de Bartlet, gentil père de la patrie dont la politique est un mélange de pur pragmatisme et de rude bon sens. Un tel type pourrait-il vraiment être élu dans un pays où les présidentielles ne sont qu'un mega concours de popularité ? Je me le demande, mon problème étant que fondamentalement j'ai du mal à trouver Martin Sheen crédible.
J'en viens à l'influence et l'héritage de The West Wing. Arbobo dit des choses fort justes à ce sujet ; certes la série parle de sujets de société, néanmoins en 1999 ce n'est quand même si extraordinaire que ça. On peut considérer que si Joss Whedon a pu faire devenir gay une héroïne de série sur une chaîne aussi familiale que WB, la société était prête à entendre parler d'homosexualité en prime-time. Le racisme avait pour sa part largement été évoqué dans NYPD Blue des années avant (c'est même l'un des axes principaux de la série à ses débuts). Quant à la religion, ça va peut-être bouger dans les épisodes suivants, mais pour l'heure je n'ai pas le sentiment qu'elle soit réellement interrogée ; je vois juste une suraffirmation de la Foi à laquelle j'ai fini par m'habituer à force de regarder des séries américaines, mais rien qui la mette autant en perspective que ce que l'on verra seulement deux ans plus tard dans Six Feet Under.
En fait, ce que dit Arbobo me fait me demander si The West Wing est une série si fondamentale que cela. J'ai du mal à voir exactement quel a été son apport à "l'histoire des séries" (si j'ose dire), à part peut-être concernant la partie "intrigues de couloirs" dans 24, qui lui doit probablement beaucoup (mais en même temps cet aspect doit au moins autant à Shakespeare ^^). Idem d'ailleurs du point de vue sociétal. Il est tout de même amusant de se dire que le succès considérable de la série n'a pas empêché les américains d'élire Bush deux fois de suite durant le temps de sa diffusion. Je me demande si The West Wing a apporté tant de choses que ça...
Mais bon. J'ai bien conscience que quelque part ce sont des questions secondaires ; cela reste une série vraiment agréable à suivre, avec des personnages attachants et des tonnes de qualités (les dialogues sont vraiment jubilatoires, notamment). Peut-être attendais-je trop, mais que voulez-vous ? A force de la voir faire des percées dans L'Odyssée des séries...
(en fait je citais plein d'exemples dans le commentaire ci-dessus mais j'ai dû les couper, c'était trop gros pour blogger :-(
RépondreSupprimerPour qui travaille dans les sphères décisionnelles publiques, même à un petit niveau, cette série est un régal de distanciation et d'idéalisation. On relativise et on se soigne. Parce que putain la vache, ce qu'on se prend dans la tronche en politique...
RépondreSupprimerEt je rajoute que les méthodes de management organisationnel ici présentées, avec une part importante de la problématique "construire une stratégie, développer des tactiques" qui m'est chère, me permettent de sublimer à part cher (un peu comme l'équipe du marshall Gerard dans Le fugitif le film dans un autre registre, mais toujours cette articulation entre professionnalisme et convictions).
Jack Mc Coy (L&O, aka Ney York Police Judiciaire) qui m'est aussi très cher dans mon panthéon des héros télévisuels est du même accabit que ce que fouillent beaucoup des situations présentées dans West wing.
"Votre commentaire s'affichera après approbation."
RépondreSupprimerWolautreh ! I'm'censure !
Il faudrait peut-être qu'un jour je me mette à ces fameuses séries... mais j'ai peur de devenir accro ! La seule que j'ai vue est Desesperate housewife, beaucoup d'éclats de rire, mais un vrai tue-l'amour puisque Toudou et moi passions nos soirée dans le lit devant la télé à mater épisode sur épisode avant de nous écrouler de sommeil...
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerUn peu en retard : je ne sais pas où vous en êtes de votre découverte de TWW, je viens d'en finir avec la dernière saison pour ma part.
Je suis assez d'accord sur le côté parfois bisounours de la série, mais il faut bien avoir à l'esprit que la série a été tournée pendant l'un des (double)mandats présidentiels les moins reluisants de l'histoire politique américaine, dans ce contexte la série avait aussi pour fonction d'apporter un peu d'air et de réconfort au spectateur moyen de la chaîne HBO (un type plutôt démocrate, libéral au sens US).
Perso, ce qui m'a le plus frappé au rayon des incongruités, se situe sur le plan de la politique étrangère : d'une part l'absence totale du Secrétaire d'Etat, complètement mis de côté au profit du secrétaire général et de l'Etat major pendant les crises diplomatiques, et
d'autre part, le constant essuyage de pieds sur l'ONU, on sent chez les scénaristes un mépris à l'égard du multilatéralisme onusien à peine moins vigoureux que celui qui dominait au sein de l'administration Bush jr.
Pour le reste, c'est une merveille d'intelligence dans l'écriture des dialogues, de la psychologie des personnages, et ça gagne en profondeur à chaque saison, sacrée perf pour une série aussi longue.
Amicalement
Bonsoir,
RépondreSupprimerAlors j'ai pas mal avancé depuis : je m'apprête à commencer la saison 5. Il faut d'ailleurs que je donne une digne suite à cet article, mais... je n'ai jamais le temps, et plus les épisodes avancent, plus cela devient difficile à synthétiser.
Globalement, je suis obligé de reconnaître que la série devient vraiment passionnante à partir de la seconde saison, et que les personnages gagnent nettement en épaisseur dans la troisième. De celles que j'ai vues, ces deux-là me semblent les meilleures (je suis plus réservé à propos de la quatrième, notamment parce que j'ai eu le sentiment qu'après avoir été source d'interminables digressions l'élection présidentielle finit en eau de boudin - la partie semble tellement facile pour Bartlet que ça ne m'a pas passionné).
Ce que vous dites est tout à fait exact, je n'ai pas pu m'empêcher de le relever également. D'une manière générale l'approche de la politique étrangère, très absente des premières saisons et omniprésente à partir de la troisième, me paraît l'aspect le plus intéressant de la série à ce stade... sans doute (ce n'est pas un hasard) parce que c'est justement l'aspect qui divise le plus les personnages, fait (enfin) ressortir leurs côtés obscurs, les fait plus "border-line" (il est vrai qu'entre la saison 1 et la saison 4, la télévision a changé... et l'Amérique également, 11 septembre oblige).
Pourtant bizarrement, je n'ai pas le sentiment que cet article soit totalement infirmé. La série conserve son côté "bisounours", un peu léger sur certaines choses... je ne saurais pas le définir très précisément, peut-être l'alliage entre les scènes de comédie d'une part et le côté très "moral" des personnages de l'autre... enfin ce ne sont que quelques remarques à la va-vite, j'y reviendrai plus longuement.
Bonne soirée.
P.S. : si vous ne voulez pas apparaître sous le nom (pas très marrant) d'Anonyme, il vous suffit sous votre commentaire de cliquer sur "sélectionner le profil", puis de choisir l'option NOM/URL... et de taper votre nom dans le champ prévu (et l'URL éventuellement).
Bonne analyse, très intéressant cet article.
RépondreSupprimerJe ne suis pas d'accord, certains personnages ont des côtés obscurs: l'alcool et les médicaments pour Leo McGarry. Bartlet m'agace beaucoup, je le trouve sans tâche et ça me fait tiquer. Je préfère Josh Lyman moi, il se la raconte à mort de temps en temps et ça lui retombe toujours sur la gueule.
Mon copain est pareil, dès qu'il entend le générique, il se colle un sourire de bienheureux sur la tronche... moi il me rappelle trop l'hymne américain ce générique (et je pense que c'est l'idée)
En fait je pensais plutôt à "côté obscur" au sens de pulsions... bien sûr, ils ont tous des défauts, une petite fêlure (quoique pas tous)... mais ils sont gentils et honnêtes, s'ils se trompent s'est toujours héroïquement... etc. Bon, c'est assez relativisé dans la suite, mais là j'en suis à la saison 5, je n'ai compté que deux vrais moments de tensions révélant les bas-instincts... la période dite de "la maladie du Président" (qui se termine en queue de poisson) et la prédiode "Qundu et compagnie" qui elle montre vraiment le Président "coupable"... sauf que tout est fait pour qu'on en pense qu'il a eu raison d'agir (et fuck l'ONU, comme le soulignait fort justement Anonyme quelques commentaires au-dessus), l'enlèvement de Zooey étant un artifice de scénario au double-effet kiss-cool (ça renforce le suspens... ainsi que la compassion pour le Président et Léo, qui sont en bonne partie responsable de cette situation). Heureusement ! Il y a Abby, hélas de manière trop épisodique. C'est de loin le personnage qui me captive le plus, elle est toute en ambiguïtés, en contrastes voire en contradictions... j'adore Josh aussi évidemment, avec son super-cerveau et ses super réparties, comment ne pas m'identif... je plaisante (tu apprendras à découvrir mon immense humilité ;-)
RépondreSupprimerAh sur Bartlet : je suis assez d'accord. Moi aussi il m'agace, surtout dans les deux premières saisons où Sheen surjoue tout, tout le temps... ça s'arrange après, il gagne en sobriété (dans les premiers épisodes on a vraiment l'impression en revanche que les américains ont élu un comique de stand-up !).
RépondreSupprimerMais l'alcoolisme de Leo pour ce que je m'en souviens, c'est assez peu utilisé (il a déjà arrêté de boire au début de la série). Non ?
RépondreSupprimerTrès cliché d'ailleurs; A croire que dans les années 90 il y avait des quotas d'ex-alcooliques dans les séries...
Pas faux. Chacun sa croix : en France nous souffrons le lourd héritage du réalisme. Vous, celui du roman noir. C'est en tout cas comme ça que je le vois (tu es mieux placé que moi). Je connais peu de séries américaines qui ne sont pas directement ou indirectement influencées par le genre... à mon avis le trip ex-alcolo vient de là.
RépondreSupprimerThéorie intéressante. C'est vrai que c'est très ancré dans l'inconscient collectif Américain.
RépondreSupprimerJe n'avais jamais entendu parlé de cette série. Vers mai 2009 je suis tombé par hasard sur un DVD des premières séries. Depuis j'ai acheté toutes les saisons et en ai regardé au moins deux fois. J'adore tout et vraiment dans la série et la visionne encore à chaque fois que j'ai un peu de temps.
RépondreSupprimerA ne pas confondre avec West Wind, qui est un fabricant d'éoliennes pour particuliers...
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