C'est l'histoire d'un choc qui se répète, encore, encore, encore. Inexorablement.
Après une année (déjà) à revisiter 1999, à réviser les points de vue, à corriger les erreurs de jeunesses, à relativiser les engagements... il est bon de retrouver des disques que le temps n'a pas usé, que la culture sans cesse grandissante n'a pas diminué.
Dix ans. C'était il y a dix ans. J'en reviens à peine. Dix ans et La Belle Inutile, cet album au titre sublime, n'a pas pris une ride. Mais il est vrai que j'ai rarement autant aimé un groupe. Sans doute en partie parce que celui-ci était français et aussi rural que je l'étais moi-même à l'époque. Ça crée des liens.
La Belle Inutile est le préféré de plein de gens, autour de moi. Je crois que c'est surtout parce que c'est le dernier album de Tue-Loup à avoir vraiment bénéficié d'une couverture de presse digne de ce nom - c'est donc aussi le plus connu si tant est que ce terme ait le moindre sens concernant un groupe que j'ai cessé d'espérer voir faire les gros titres. 1999. C'était avant Penya. Avant Rachel. Avant Le Goût du bonbon, bien sûr. Ces albums hors-normes, inclassables, dans lesquels le groupe défricha tant de terres hostiles et inventa tant d'univers. Replacé dans le contexte de leur discographie, La Belle Inutile ferait presque poids plume. Rock aux accents acoustiques, accessible (quoique particulièrement sombre), presque linéaire.
Évidemment il n'en est rien. La Belle Inutile, s'il est sans doute un peu moins riche que ses successeurs, est un album foisonnant. Un de ceux qui me firent découvrir à l'époque (j'avais quoi ? dix-huit ans ?) ce qu'était un arrangement, ce qu'était une production, ce qu'était le travail sur le son. Dans un autre pays (comprendre par-là : anglo-saxon), Tue-Loup bénéficierait probablement d'une crédibilité indie monstrueuse. Que ce soit en terme de recherche créative, en terme d'écriture... en terme de singularité de son univers ou de son style... ce groupe est l'égal de bien des faucons indés. Mais il est français le pauvret ! Personne ne le saura jamais, et je suis condamné depuis 1998 (date d'une rencontre dont que je me remémore encore avec émotion tant La Bancale fut pour moi un véritable choc esthétique) à pester en voyant la moindre cochonnerie bricolo américaine être encensée pour mieux être effacée des mémoires un an après.
Oh c'est vrai : La Belle Inutile n'est pas un album simple. On y entre pas comme dans un moulin. Tue-Loup est un groupe qui se mérite, qui s'apprivoise, qui se découvre. Hormis "La Purge" et "Ta loche", les morceaux de son troisième opus ne sont pas accrocheurs, font dans la suggestion ("L'Epou"), l'atmosphère ("Gorki"). Il n'y a pas de refrains racoleur, l'ambiance alterne recueillement et colère froide, les constructions des morceaux sont faites de tensions et fractures successives. C'est une musique sur le fil, revêche, à la fois crue et sophistiquée, entre country gothique et rock funambule. On pensera à Cohen. A Nick Cave. A Sparklehorse. A Lanegan en solo. Rien que des joyeux lurons. Des gars qui savent foutre l'ambiance dans vos soirées. C'est sûr, on ne verra jamais Tue-Loup sur les podiums de fin d'année des Inrocks. Ce n'est pas pop, ce n'est pas catchy - ce n'est même pas frais. C'est évidemment bien mieux : c'est profond, tourmenté, habité. On y cause de "goût de nausée dans la bouche", de "pisser sur les déchets de notre histoire, de filles qui cachent leurs visages et de candeur qui s'enfuit. Les âmes sensibles peuvent s'abstenir - les disques de Cali ne sont pas pour les chiens.
La Belle Inutile, de Tue-Loup (1999)
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Après une année (déjà) à revisiter 1999, à réviser les points de vue, à corriger les erreurs de jeunesses, à relativiser les engagements... il est bon de retrouver des disques que le temps n'a pas usé, que la culture sans cesse grandissante n'a pas diminué.
Dix ans. C'était il y a dix ans. J'en reviens à peine. Dix ans et La Belle Inutile, cet album au titre sublime, n'a pas pris une ride. Mais il est vrai que j'ai rarement autant aimé un groupe. Sans doute en partie parce que celui-ci était français et aussi rural que je l'étais moi-même à l'époque. Ça crée des liens.
La Belle Inutile est le préféré de plein de gens, autour de moi. Je crois que c'est surtout parce que c'est le dernier album de Tue-Loup à avoir vraiment bénéficié d'une couverture de presse digne de ce nom - c'est donc aussi le plus connu si tant est que ce terme ait le moindre sens concernant un groupe que j'ai cessé d'espérer voir faire les gros titres. 1999. C'était avant Penya. Avant Rachel. Avant Le Goût du bonbon, bien sûr. Ces albums hors-normes, inclassables, dans lesquels le groupe défricha tant de terres hostiles et inventa tant d'univers. Replacé dans le contexte de leur discographie, La Belle Inutile ferait presque poids plume. Rock aux accents acoustiques, accessible (quoique particulièrement sombre), presque linéaire.
Évidemment il n'en est rien. La Belle Inutile, s'il est sans doute un peu moins riche que ses successeurs, est un album foisonnant. Un de ceux qui me firent découvrir à l'époque (j'avais quoi ? dix-huit ans ?) ce qu'était un arrangement, ce qu'était une production, ce qu'était le travail sur le son. Dans un autre pays (comprendre par-là : anglo-saxon), Tue-Loup bénéficierait probablement d'une crédibilité indie monstrueuse. Que ce soit en terme de recherche créative, en terme d'écriture... en terme de singularité de son univers ou de son style... ce groupe est l'égal de bien des faucons indés. Mais il est français le pauvret ! Personne ne le saura jamais, et je suis condamné depuis 1998 (date d'une rencontre dont que je me remémore encore avec émotion tant La Bancale fut pour moi un véritable choc esthétique) à pester en voyant la moindre cochonnerie bricolo américaine être encensée pour mieux être effacée des mémoires un an après.
Oh c'est vrai : La Belle Inutile n'est pas un album simple. On y entre pas comme dans un moulin. Tue-Loup est un groupe qui se mérite, qui s'apprivoise, qui se découvre. Hormis "La Purge" et "Ta loche", les morceaux de son troisième opus ne sont pas accrocheurs, font dans la suggestion ("L'Epou"), l'atmosphère ("Gorki"). Il n'y a pas de refrains racoleur, l'ambiance alterne recueillement et colère froide, les constructions des morceaux sont faites de tensions et fractures successives. C'est une musique sur le fil, revêche, à la fois crue et sophistiquée, entre country gothique et rock funambule. On pensera à Cohen. A Nick Cave. A Sparklehorse. A Lanegan en solo. Rien que des joyeux lurons. Des gars qui savent foutre l'ambiance dans vos soirées. C'est sûr, on ne verra jamais Tue-Loup sur les podiums de fin d'année des Inrocks. Ce n'est pas pop, ce n'est pas catchy - ce n'est même pas frais. C'est évidemment bien mieux : c'est profond, tourmenté, habité. On y cause de "goût de nausée dans la bouche", de "pisser sur les déchets de notre histoire, de filles qui cachent leurs visages et de candeur qui s'enfuit. Les âmes sensibles peuvent s'abstenir - les disques de Cali ne sont pas pour les chiens.
Découvrez la playlist Belle Inutile avec Tue-Loup
La Belle Inutile, de Tue-Loup (1999)
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J'avais prévu de me procurer Le Gout du bonbon suite à ton article mais je n'ai pas eu le temps. Du coup tu conseilles plutôt celui-là ?
RépondreSupprimerEn fait tu es le dernier type qui écoute Tue-Loup dans ce pays ? :)
RépondreSupprimer(et moi la dernière fille)
(vite Emily ! investis ! investis !)
Pas très gentil ça Lil. On est bien deux ! :D
RépondreSupprimerContent que ça vous amuse... moi je trouve ça plutôt triste...
RépondreSupprimerEmily >>> ce sont des albums vraiment différent... je te conseille d'écouter les extraits sur deezer et de faire en fonction de tes propres goûts, tu peux très bien adorer l'un et détester l'autre...
Bah mieux vaut en rire non ? C'est ce que tu fais toi-même dans la chronique du concert privé (comment c'était pas privé ?) :d
RépondreSupprimerEt puis la dèche de com sur cet article ne fait que le souligner ;)
RépondreSupprimerCertes.
RépondreSupprimerEnfin cela dit quand j'écris cet article sur le concert, je n'essaie pas réellement d'être drôle (et je suis un peu inquiet que vous ayez eu cette impression). Plutôt sarcastique.
Un bel album, mais ma préférence va à leur production plus récente.
RépondreSupprimerBBB.
Moi aussi, en fait...
RépondreSupprimerkeskil vient foutre la dedans cali et ses chiens??
RépondreSupprimerJe sais pas. Un truc français, connu... je pense toujours tout de suite à Cali.
RépondreSupprimerc que l'expression"c'est pas pour les chiens", ferait plutot penser que Cali c'est du bon (et pas du canigou)
RépondreSupprimerça me gêne question de goût oui ;/
sinon sur le titre mis en deezer, on sent l'influence talk talk non? ou c moi qui suis trop dedans en ce moment
C'était une manière de dire que pour les âmes sensibles ne supportant pas la noirceur de Tue-Loup, il restait toujours Cali... désolé si la formulation n'est pas claire...
RépondreSupprimerTalk Talk, je ne sais pas si l'influence est vraiment marquée mais je sais en revanche que Xavier Plumas est en grand fan de Marc Hollis, donc je pense que tu as vuste.
Si ça peut rassurer le grand coeur tendre et blessé de l'auteur de cette chronique, le rédacteur de ce commentaire est en train d'entrer tout doucement dans l'univers de ce groupe après l'avoir découvert dans la liste des dix premiers. Rapport à suivre...
RépondreSupprimer;-)
En même temps venant d'un gars qui a passé une partie des dernièrs mois à jouer les Attila dans le Classement des blogueurs, je sais pas si je dois me réjouir ;-)
RépondreSupprimerAttila?
RépondreSupprimerAttila, quoi. Un type que quand il passait, plus aucun disque surestimé ne restait ^^
RépondreSupprimerAttila avoir écouté Tue-Loup tout doucement ces dernières semaines.
RépondreSupprimerAttila aimer beaucoup...
Attila penser Bonbon meilleur album francophone (après CARL) de l'année.
Moi content.
RépondreSupprimerToi copain de moi.
Moi va écouter CARL pour la peine, pour voir.
Comme quelqu'un m'a fait remarquer sur un site belge, CARL, c'est pas de la chanson française, c'est un OVNI.
RépondreSupprimerDonc premier prix de la chanson française à Tue-Loup et prix OVNI à Carl...
:-)
En même temps je me sentirais vraiment pas de classer Le Goût du bonbon en chanson française :-)
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