Journal de Drob (2)

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1er janvier Fuckin' good year. Je ne sais pas pourquoi mais cette année je galère pour souhaiter la bonne année à tous mes proches. De la part de quelqu'un qui en a si peu, il y a de quoi s'interroger. Même : j'oublie. Comme beaucoup de convenances. En fait je trouve que je suis de plus en plus malpoli et je n'arrive pas à m'expliquer pourquoi. Un besoin trop longtemps refoulé de transgression ? Peut-être. Je me maudis quand j'oublie d'être poli et que subitement, mon instinct de garçon bien élevé reprend le dessus. Impoli et ridicule, ça fait beaucoup pour un seul homme.

2 janvier J -31. Pff. Je souffle un coup. De quoi je parle ? Mais du season-premiere de l'ultime saison de Lost, bien sûr ! L'attente aura été moins insupportable que je le croyais (j'ai quasiment l'impression que la saison cinq s'est achevée le mois dernier). Mais il est vrai qu'en guise de dérivatif j'ai élu mon copain Des Nouvelles Du Monde sparing-partner officiel. Le pauvre. Une fois tous les dix jours un long mail uniquement composées de théories farfelues. Il aura eu bien du courage de me supporter (heureusement qu'on ne s'est pas rencontré à l'époque de la saison un !), ce qui me fait d'ailleurs penser que je dois lui écrire pour lui parler de ma découverte de l'autre jour - quand Dan a dit "We can't change the future" (1). Bref. Ca n'a l'air de rien, mais je me demande si la série achevée une partie de son charme ne se sera pas définitivement envolée. Découvrir les mystères progressivement, en parler avec ses copains, se passionner collectivement pour quelque chose. Ce sera l'objet d'un prochain article, mais j'ai vraiment vécu Lost collectivement depuis le début - c'est une série que par exemple je n'ai jamais regardé tout seul. Aura-t-elle du coup toujours le même pouvoir de fascination chez les générations qui la découvriront intégralement en DVD ? Je me le demande.

3 janvier Tiens, Lhasa est morte. Encore. D'un cancer, bien sûr. C'est terrible, ça : chaque fois qu'un artiste que j'aime meurt d'un cancer je me dis que je dois arrêter de fumer. Et chaque fois que je me dis que je dois arrêter de fumer je me dis juste après que si ça se trouve je mourrai d'un autre cancer d'autre chose, que ce ne sera ni beaucoup mieux ni beaucoup moins douloureux. Vaut-il mieux être accablé d'un cancer en juste punition de ses excès ? J'ai conscience qu'il y a une part de vieille culpabilité judeo-chrétienne de cette interrogation (le Châtiment Divin et blablabla). Mais j'ai l'impression qu'il y a autre chose. Comme l'envie de donner du sens à la mort. Si je meurs d'un cancer parce que j'ai fumé toute ma vie, je saurais pourquoi et je saurais la faute à qui. Alors que si je meurs de vieillesse... quel sera le sens de cette mort ? Et là vous aurez noté que je n'envisage pas une seconde de ne plus pouvoir m'auto-blâmer une fois que je serai mort.

4 janvier Laura Smet n'est pas morte. C'a failli, mais non. Et le simple fait que moi je sois au courant de ce qu'elle a fait elle en dit long sur l'explosion médiatique stupide et indécente que la nouvelle a provoqué. Oui, indécente. Pas de bol pour les journalistes : si elle était morte, c'eut seulement été disproportionné. Comme elle est vivante, c'est indécent. J'aimerais ajouter un truc intelligent mais je n'ai rien à dire. Il y a des jours où je ne comprends tout simplement pas ce qui peut se passer dans la tête d'un journaliste. Si j'en avais un sous la main je crois que je le dissèquerais, juste pour comprendre - juste par amour de la science (admirez avec qu'elle virtuosité en dix lignes on passe de Dieu à la science !). Et le plus drôle c'est que ce sont les mêmes après qui vont accuser le Net et sa soi-disant non-sécurité de tous les maux...

6 janvier Quel ringard ce Philippe Séguin ! Mourrir d'une crise cardiaque alors que la mode est au cancer, sans buzz préalable pendant une semaine, sans rumeurs. Une fin à l'image de dernières années où l'on ne parlait plus guère d'un type dont on disait, quand j'étais plus jeune, qu'un jour il serait Président. J'ai toujours bien aimé Philippe Séguin. Je l'ai toujours trouvé sympathique, drôle, classe (c'était un fabuleux orateur), charismatique. Au-delà des convictions politiques. Quoique. On parle beaucoup ce matin de la mort de l'homme du NON à Maastricht. Si la droite était si décomplexée et si elle était réellement capable d'affronter son côté obscur, elle se souviendrait plutôt de lui comme de l'homme de OUI. Comme de l'un des ses seuls députés présents aux côtés de la gauche en 1981 lorsqu'il s'est agit d'abolir la peine de mort. Il est vrai que beaucoup de ceux qui s'opposèrent à cette réforme essentielle et finalement récente sont encore vivants (voire élus, tenez par exemple : Pascal Clément, à qui Séguin répondait ce jour-là (2)) aujourd'hui. Alors on parlera de l'homme du NON, comme un écho déformé à de Gaulle. Ouais, j'aimais bien Philippe Séguin. Chaque fois qu'on parlait de lui - cela n'arrivait plus tellement - ces dernières années un flot de souvenirs d'enfance et d'adolescence remontait à la surface. Comme le souvenir d'une époque où il y avait des types de droite que l'on pouvait estimer voire admirer, pas seulement autour de nous mais aussi des vrais qui passaient à la télé pour défendre des idées sans qu'on ait envie de leur coller des baffes ou pire. Philippe Séguin. C'est con, mais sa mort me touche vachement plus que celle de Lhasa. Une mauvaise langue dirait sans doute que comme toute personne de gauche je n'aime les hommes politiques de droite que lorsqu'ils sont des losers. J'ajouterai que cela fait effectivement des points communs.

7 janvier L'actualité du jour c'est bien sûr la neige... Ah. Bon. D'accord. La neige alors. Pourquoi pas ? Moi je n'ai rien contre. Qui pourrait bien être contre d'ailleurs ? En général je demande aux médias un peu d'engagement, un peu de subversion... mais là étrangement, après des mois de débat sur l'identité nationale, je trouve très bien que l'actualité du jour soit la neige... autant dire : rien. Alors évidemment le revers de la médaille, c'est que l'artillerie lourde d'i-télé fait un peu marrer... les mecs ils ont des envoyés spéciaux partout où la neige tombe (sic) et à un moment il y en même un qui leur envoie - je vous jure que c'est vrai - une photo par web-cam de l'autoroute de Grenoble (OH !!!) enneigé (OH OH !!!). Du coup moi, pas con, je suis sorti prendre une photo de ma rue. Je me suis dit qu'il y avait peut-être du pognon à gagner dans cette branche : envoyé spécial de bord de route chez i-télé. Y a pas de sot métier...

8 janvier C'est au moment précis où je me demandais ce que devenait Hadopi que paf boum crac ! La commission Sarkoz... euh ! Zelnik, pardon... rend ses conclusions. Tous nos voeux les français, joie, rire et bonheur - voici nos conclusions.. Effectivement ils n'ont pas menti : joie, rire et bonheur sont d'ores et déjà au programme de 2010. Entre l'idée de la taxe Google qui m'arrache des larmes de béatitude (ils hésitaient entre taxer les FAI et Google... finalement ils ont renoncé aux FAI, ce qui est presque un choix intelligent... qu'ils ont immédiatement assorti d'une imbécilité au titre ronflant qui ne verra jamais le jour, bien sûr) et le truc de la Carte Musique qui me colle des larmes de plaisir (Kevin, tu critiqueras Goldman à table quand tu auras atteint ta majorité musicale - maintenant file dans ta chambre ! )... j'avoue que je ne saurais choisir. Les deux mon colonel ! Au moins maintenant on est sûr (on n'est doutait pas vraiment, hein : y avait Jacques Toubon dans l'histoire) que cette commission n'était qu'un canular encore plus drôle que l'Hadopi (qui dans le genre était tout de même vraiment poilant).

10 janvier C'est donc le tour de Mano Solo. A force, on ne sait plus quoi dire. Enfin si, on sait. J'ai aimé peu d'artistes comme j'ai aimé celui-ci. Je l'ai aimé comme il chantait, en fait : viscéralement, passionnément et parfois douloureusement - lorsqu'il commettait un titre indigne de son talent et se fourvoyait dans une prise de positions puérile. Lorsqu'il oubliait qu'une chanson, c'était de la musique avant tout, et oubliait de produire tel ou tel de ses albums. Mano Solo avat bien des défauts mais c'est aussi pour cela qu'il était une de mes idoles... c'est-à-dire non pas quelqu'un que j'aurais pu vénérer, mais quelqu'un que j'aurais pu admirer et respecter en toutes circonstances. Il y en a peu, des artistes comme ça. Aussi peu qu'il y en a beaucoup que j'apprécie. Et puis il était là depuis toujours, à l'époque des balbutiements musicaux, à l'époque des découvertes (et Dieu sait qu'il m'en a fait faire... sans lui, jamais je n'aurais écouté de flamenco ni de fado... jamais je n'aurais écouté Ferré et jamais sans doute n'aurais-je été jeter une oreille Dehors). J'ai l'impression étrange, douloureuse et atroce qu'un chapitre de ma vie vient de s'achever. Désormais, il n'y aura plus de nouvelles chansons de Mano Solo pour illustrer mon existence. Cela vous semblera sans doute stupide, mais en apprenant la nouvelle j'ai eu du mal à me retenir de verser une larme. Moi qui pleure si peu. Moi qui suis si sec.

11 janvier Youpi ! le retour de la burqa ! Bon d'accord : en fait, c'est surtout le retour du niqab. Je ne sais pas pourquoi ils disent tous burqa. Sans doute que leurs conseillers en communication ont commandé à Patrick Buisson une étude de marchée qui démontra que burqa vendait mieux que niqab (3). Ne riez pas, c'est fort possible. Enfin quoiqu'il en soit, grâce à Jean-François Copé le sujet cartonne aux infos du matin. Honnêtement je m'interroge sur les motivations d'Ardisson. Non que l'idée d'organiser un débat soit stupide en soi ; on se souvient tous du débat Sarkozy/Ramadan il y a quelques années. Ce n'était pas inintéressant. La différence c'est que ce n'était pas dans une émission de divertissement d'une part, et que d'autre part Ramadan était un orateur/contradicteur autrement plus féroce, pas un vulgaire faire-valoir comme ce fut le cas pour Copé. A sa décharge il est vrai que Jean-François Copé, en dépit de ses quarante-cinq ans bien sonnés, a quel chose d'un petit garçon qu'il faudrait protéger avant tout de lui-même et de ses trop grande confiance en lui. On en a tous eu, des camarades de classe comme lui : raisonneurs, toujours premiers à répondre au prof (sans même lever la main), fayots avec les enseignants et lèches-cul avec les caïds de la classe, parlant à tort et à travers et finissant les salauds par avoir le bac avec mention. Grâce à Jean-François Copé nous savons désormais qu'ils ne changent pas devenus adultes. Je me serais personnellement bien passé de l'information.

12 janvier Et merde ! J'avais mis vingt euros sur Chabrol. Putain ! Même pas j'avais pensé à Rohmer ! Il est vrai que je n'étais pas très client de son cinéma (en revanche j'avais adoré son roman Elisabeth). Ca me vexe d'autant plus que ce soit lui qui m'ait fait perdre vingt euros avec lesquels j'aurais certainement pu acheter légalement des productions Naïve (je dis des pour le style, bien sûr). Enfin voilà. Quand j'ai commencé ce Journal de Drob N°2 le 1er janvier, je ne m'attendais pas à évoquer quatre morts de quatre personnalités que j'estimais à différents degrés et pour différentes raisons... ça me fait vraiment froid dans le dos. De qui écrirai-je la nécro la semaine prochaine ? Non, je ne vous demande pas de parier - j'ai perdu assez d'argent comme ça. Enfin ceci dit ça fait longtemps qu'un rapper n'a pas été abattu dans une rixe. Je dis ça, je dis rien. Faites-en ce que vous voulez (par exemple utiliser l'info ICI car oui, si vous en doutiez, ces sites existent !). Moi je crois que je vais aller me coucher. Y'a des matins, comme ça... on ferait mieux de rester au lit. A force, je n'ose plus rien dire, plus rien faire ni plus rien penser - j'ai peur de tuer une de mes idoles. D'ailleurs j'ai failli conclure sur un extrait du "Death Is Not the End" de Dylan... mais j'avais un peu peur de faire une connerie. Surtout qu'elle a été aussi reprise par Nick Cave. Par les temps qui courent, mieux vaut être superstitieux...

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(1) Je ne vous dirai pas aujourd'hui pourquoi c'est une découverte... enfin sauf si vous voulez vraiment entendre mes théories foireuses !!!

(2) Oui, le gars qui n'a pas déclaré : Le jour où il y aura autant de minarets que de cathédrales en France, ça ne sera plus la France. On aura beau dire, le hasard n'existe pas.

(3) Notez qu'en attendant depuis des mois qu'on nous tanne avec ça j'ai eu beau faire gaffe, j'ai toujours pas croisé ni burqa ni niqab dans la rue...
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