[Article précédemment publié sur l'incontournable Interlignage] Il est des coïncidences amusantes. Parfois. Quand il y a quelques mois un ami m'a demandé si je ne pouvais pas chroniquer quelques disques méritant selon moi de figurer au Panthéon d'années 2000 finissantes, j'ai immédiatement pensé à Failing Song, chef-d'œuvre (parmi d'autres) du génial Matt Elliott. J'aurais pu faire au moins cinquante autres choix... mais non : dans un cas comme ça, je songe toujours en premier lieu à Failing Songs. Pour deux raisons précises et faciles à deviner si vous le connaissez : d'une part, cette musique est d'une originalité et d'une singularité n'ayant d'égale que sa profondeur. Et d'autre part... Matt Elliott n'a jamais bénéficié de l'exposition et de la reconnaissance qu'il mérite depuis fort longtemps.
Aussi quelle meilleure manière de clore une fois pour toutes cette décennie qu'en rééditant (dans un somptueux coffret) l'une des œuvres les plus passionnantes dont elle ait accouché ? Soit donc trois albums merveilleux (Drinking Songs, Failing Songs et Howling Songs) et un EP d'inédits plus qu'honorable (Failed Songs)... une véritable invitation au voyage - et ce n'est assurément pas un hasard si j'emploie une expression rendue fameuse par Baudelaire. Car Elliott est un romantique forcené, au sens du noble du terme, que ses marches funéraires ("The Kursk"), ses explosions de folie ("The Maid We Mess"), ses ballades crépusculaire ("Gone", "Chains") ou ses rêveries torturées ("A Broken Flamenco") placent au premier plan de la production musicale contemporaine.
Inclassable, quoique souvent classé en folk ou en musique tzigane, Matt Elliott a pourtant commencé par jouer... de la drum'n'bass, ne se découvrant une passion pour le folklore d'Europe de l'Est que sur le tard. L'information n'a rien d'inutile tant l'écoute attentive de sa trilogie donne la sensation d'un artiste se révélant à lui même : encore très marqué par la pesanteur de sa période electro sur Drinking Songs (il faut dire que les albums de Third Eye Foundation comptent parmi les plus glauques qu'on ait entendus dans le genre !), Elliott réussit la prouesse de simultanément épurer et enrichir sa musique au fil des albums, installant progressivement un univers à l'esthétique particulièrement soignée (jusqu'à ces pochettes magnifiques...), affinant considérablement le songwriting (à partir de Failing Songs les chansons gagnent en concision et en fluidité, à l'image de la superbe "Broken Bones") et s'affirmant peu à peu comme un auteur-compositeur-interprète exceptionnel.
Bien sûr, foncièrement, le style demeure inchangé. Il faudrait être fou, lorsque l'on a trouvé une formule aussi unique, à base de chœurs fantomatiques, de piano hantés et de mélodies de violons échappant à toute notion de temps ou d'époque... oui : il faudrait être fou pour changer de formule. Songs (c'est le titre du coffret) affiche donc la cohérence d'un parcours en tout point remarquable - quoique hélas rarement remarqué. Pour l'auditeur de passage, ce sera le choc esthétique garanti – on ne saura que trop lui conseiller d'investir en dépit d'un prix évidemment un peu élevé (mais cependant dérisoire eu égard à la richesse et au génie de cette trilogie). Le fan, pour sa part, trouvera dans les sept titres (dont le poignant "Eulogy for Liam") de Failed Songs sa dose annuelle de mélancolie déchirante – en attendant la prochaine excursion d'Elliott sur les terres tourmentées d'Eros et de Thanatos.
Incontournable.
Songs, de Matt Elliott (2009)
Aussi quelle meilleure manière de clore une fois pour toutes cette décennie qu'en rééditant (dans un somptueux coffret) l'une des œuvres les plus passionnantes dont elle ait accouché ? Soit donc trois albums merveilleux (Drinking Songs, Failing Songs et Howling Songs) et un EP d'inédits plus qu'honorable (Failed Songs)... une véritable invitation au voyage - et ce n'est assurément pas un hasard si j'emploie une expression rendue fameuse par Baudelaire. Car Elliott est un romantique forcené, au sens du noble du terme, que ses marches funéraires ("The Kursk"), ses explosions de folie ("The Maid We Mess"), ses ballades crépusculaire ("Gone", "Chains") ou ses rêveries torturées ("A Broken Flamenco") placent au premier plan de la production musicale contemporaine.
Inclassable, quoique souvent classé en folk ou en musique tzigane, Matt Elliott a pourtant commencé par jouer... de la drum'n'bass, ne se découvrant une passion pour le folklore d'Europe de l'Est que sur le tard. L'information n'a rien d'inutile tant l'écoute attentive de sa trilogie donne la sensation d'un artiste se révélant à lui même : encore très marqué par la pesanteur de sa période electro sur Drinking Songs (il faut dire que les albums de Third Eye Foundation comptent parmi les plus glauques qu'on ait entendus dans le genre !), Elliott réussit la prouesse de simultanément épurer et enrichir sa musique au fil des albums, installant progressivement un univers à l'esthétique particulièrement soignée (jusqu'à ces pochettes magnifiques...), affinant considérablement le songwriting (à partir de Failing Songs les chansons gagnent en concision et en fluidité, à l'image de la superbe "Broken Bones") et s'affirmant peu à peu comme un auteur-compositeur-interprète exceptionnel.
Bien sûr, foncièrement, le style demeure inchangé. Il faudrait être fou, lorsque l'on a trouvé une formule aussi unique, à base de chœurs fantomatiques, de piano hantés et de mélodies de violons échappant à toute notion de temps ou d'époque... oui : il faudrait être fou pour changer de formule. Songs (c'est le titre du coffret) affiche donc la cohérence d'un parcours en tout point remarquable - quoique hélas rarement remarqué. Pour l'auditeur de passage, ce sera le choc esthétique garanti – on ne saura que trop lui conseiller d'investir en dépit d'un prix évidemment un peu élevé (mais cependant dérisoire eu égard à la richesse et au génie de cette trilogie). Le fan, pour sa part, trouvera dans les sept titres (dont le poignant "Eulogy for Liam") de Failed Songs sa dose annuelle de mélancolie déchirante – en attendant la prochaine excursion d'Elliott sur les terres tourmentées d'Eros et de Thanatos.
Incontournable.
Songs, de Matt Elliott (2009)
Le coffret est effectivement magnifique!
RépondreSupprimerJe pense que j'en ai pour la vie avant de faire le tour de ces 7 vinyles, d'autant que ce n'est pas une musique à écouter tout les jours...
C'est comme un cérémonial: sortir le coffret, choisir le vinyle, et la face à écouter, se poser au calme et ne rien faire d'autre...
conditions rares mais indispensable pour cette musique....
J'hésitais à l'acheter, car je possède déjà la trilogie. Il est vraiment bien, le CD inédit ?
RépondreSupprimerBBB.
Xavier >>> ah, tu l'as acheté finalement ;-)
RépondreSupprimerBBB. >>> de toute façon je crois qu'il va sortir séparément.
Evidemment ;)
RépondreSupprimersans rire, je ne regrette pas, donc merci!
(ces éditions limitées vinyles semblent etre la nouvelle mode. j'ai vu qu'il y avait un Live de mogwai et une réédition de Philiphobia d'Arab Strap notamment... suis pas pret de m'acheter ma nouvelle guitare moi ...)
Merci pour l'info, Thomas.
RépondreSupprimerJe guetterai donc.
BBB.
l'artwork splendide, ce que j'ai lu et entendu par ci par là, m'ont fait dire qu'il fallait que je le prenne ce coffret (format 4 cds commandé avant-hier, l'édition vinyle a l'air magnifique, mais bon, elle vaut son prix comme on dit) et cet article ne fait qu'enfoncer le clou.
RépondreSupprimerJe consacrerais prochainement un article à ce coffret dans ma rubrique Artwork. cela te permettra de te faire une idée. personnellement j'ai toujours adoré les gravures, et celles ci illustrent à merveille la musique de Matt elliott. Après, la couverture principale (en illustration de l'article de Thom) est particulièrement glauque...
RépondreSupprimerOui, la couv est glauque... dans la droite de ligne de celle de Howling Songs, qu'on croirait évadée de l'Enfer de Dante.
RépondreSupprimerEffectivement les éditions limitées vinyles sont devenus très à la mode dans le milieu indie. Tant mieux (même si ça coûte cher...)