Elle est largement méconnue, et pourtant c'est sans doute l'une des toutes meilleures séries de ces dernières années. De celles que vous téléchargerez peut-être illégalement mais que vous vous empresserez d'acheter en coffrets, pour la faire trôner aux côtés des plus grandes. Bien sûr, vous renaclerez un peu au début. Le fait que Friday Night Lights s'articule en grande partie autour du football américain ne peut exciter aucun français normalement constitué ; si le baseball est encore relativement connu - voire compris - par nos compatriotes, le foot US, lui, est obscur pour la plupart d'entre vous. D'entre nous, devrais-je d'ailleurs dire.
Et pourtant, vous y reviendrez et plutôt deux fois qu'une. Car Friday Night Lights est beaucoup plus que cela. Ou plutôt : elle est exactement ce que son pitch suggère, encore faut-il ne pas se laisser aveugler par le côté footballistique de la chose. Soit donc la chronique d'une petite ville du fin fond du Texas, ordinaire et peuplée de gens qui le sont tout autant, routinière et repliée sur elle-même comme le sont tous les microcosmes. Une ville ne vivant que par et pour le football, et dont chaque semaine n'est qu'un long prélude au match du vendredi soir, ce moment singulier où soudain, les habitants se réveillent, dévorés par la passion et enfin réunis autour d'une idée collective les dépassant largement.
Le pari est risqué ; il est incroyablement tenu. Il ne faut pas plus de deux épisodes aux scénaristes pour parfaitement planter le décor et installer leur galerie de personnages ordinaires, gens simples égarés dans une vie ne l'étant que rarement. La caméra opère des allez-retours habiles entre les adultes et leur progéniture, dérobe à la volée moments d'intimités et pose publique, avec une telle maestria qu'on se croirait projeté, parfois, dans un docu-fiction. Il y a du The Wire dans cette manière de croquer une communauté dans sa globalité, de coller à la réalité pour en dégager l'essence. Comme une radiographie de l'inconscient collectif d'autant plus fascinante qu'elle explore une population que l'on ne voit jamais ailleurs, sans complaisance vis-à-vis d'individus aux mœurs plus que conservatrices, mais loin des clichés du texan rednecko-white-trash tristement popularisés par Bush. Si Friday Night Lights se promène dans une petite communauté de l'Amérique profonde, elle est exempte de toute veine satirique et c'est ce qui fait toute sa force : elle pose un regard tendre et humaniste y compris sur les pourritures, saisit la détresse comme elle capte les contradictions, et finalement s'avère d'une puissance et d'une poésie la rapprochant même, par éclats, d'un Six Feet Under. On y retrouve la même finesse d'analyse, la même capacité à présenter des personnages simples tout en mettant sans cesse en relief la complexité de l'âme humaine. Le personnage d'Eric "Coach" Taylor, antihéros parfait et magistralement incarné par Kyle Chandler, est en ce sens un parfait résumé de la série : à la fois dur et compatissant ; ouvert et compréhensif tout en étant parfois totalement réactionnaire. Ce n'est pas la moindre des qualités de Friday Night Lights que de nous faire aimer l'Amérique moyenne jusque dans ses défauts, son obsession de la réussite, son racisme sous-jacent, son libéralisme si profondément ancré dans les mœurs qu'il n'est même pas besoin de prononcer le mot une seule fois, l'emprise de la religion sur les mentalités... Tout cela est là... tout cela montré mais jamais ouvertement dénoncé - au spectateur de tirer les conclusions qui s'imposent.
Friday Night Lights ne connaît pas la lourdeur et ignore le surlignage, c'est d'autant plus évident lorsqu'elle s'attarde sur la destinée de ce groupe de jeunes qui constitue une bonne moitié de ses personnages récurrents. Rarement on aura vu les thématiques adolescentes traitées avec autant de finesse et si peu de pathos, ordinaires évidemment (amourettes qui ressemblent toujours à s'y méprendre au grand amour, difficultés avec les parents, incapacité à se projeter dans l'avenir...), jamais banales cependant. La série épate lorsqu'elle se pique de montrer ce que l'on sait sans jamais le voir ailleurs. Les couples se formant à l'adolescence et condamnés par l'habitus à finir ensemble. Le tristement célèbre "on naît ici, on meurt ici". L'ennui, lorsque le sport n'est pas là. Ce n'est pas un hasard si chez eux, le football tourne à l'obsession, y compris chez les filles qui soutiennent leurs hommes et les élèvent aux rangs de demi-dieux : lorsqu'il n'est pas là, ces gamins n'ont rien. Ni avenir ni présent. Désœuvrés, ils enquillent les conneries, picolent, se battent , baisent ou dépriment. De manière générale, ils ne s'intéressent à rien d'autre et lui seul parvient à les élever, à les fédérer. A les faire se transcender. Tous rêvent secrètement, bien sûr, de faire carrière. Et tous savent, encore plus secrètement, que l'écrasante majorité finira VRP, pompiste, vendeur de voiture chez Buddy Garrity ou profs dans le public pour ceux qui auront réussi à s'intéresser un tant soit peu à l'école entre temps. Mais tous y croient, parce qu'ils n'ont rien d'autre et parce qu'à Dillon, Texas, il n'y a pas grand-chose d'autre à faire que d'attendre le vendredi soir et de tout donner pendant le match.
Friday Night Lights ne connaît pas la lourdeur et ignore le surlignage... cela vaut également pour les parties sur le foot lui-même, qui représentent l'excellente surprise du spectateur y allant un peu à reculons. Particulièrement bien filmés, ces passages sont infiniment plus passionnants que ce que l'on peut imaginer de prime abord, particulièrement bien dosés (aucun match n'excède les dix minutes par épisode) et s'inscrivant parmi ce qu'on a écrit et tourné de plus brillant sur le sport. Pour cette raison et toutes les autres, Friday Night Lights mériterait d'être bien plus connue qu'elle ne l'est. Elle mériterait, à vrai dire, une exposition bien plus vaste qu'une diffusion française sur NRJ 12 (ou américaine sur Direct TV, où elle a échoué après un passage sur NBC et des audiences faméliques). De par sa richesse, sa subtilité et ses évidentes qualités esthétiques, elle rivalise avec les plus grandes séries de la décennie, et sans rougir. Si vous ne connaissez pas encore, jetez-vous dessus au plus vite : vous n'en reviendrez pas et je vous parie que tout comme moi, vous ne pourrez plus vous arrêter.
Friday Night Lights (saisons 1 & 2), créée par Brian Grazer, David Nevins et Peter Berg, d'après le film de ce dernier (NBC, 2006-08)
Et pourtant, vous y reviendrez et plutôt deux fois qu'une. Car Friday Night Lights est beaucoup plus que cela. Ou plutôt : elle est exactement ce que son pitch suggère, encore faut-il ne pas se laisser aveugler par le côté footballistique de la chose. Soit donc la chronique d'une petite ville du fin fond du Texas, ordinaire et peuplée de gens qui le sont tout autant, routinière et repliée sur elle-même comme le sont tous les microcosmes. Une ville ne vivant que par et pour le football, et dont chaque semaine n'est qu'un long prélude au match du vendredi soir, ce moment singulier où soudain, les habitants se réveillent, dévorés par la passion et enfin réunis autour d'une idée collective les dépassant largement.
Le pari est risqué ; il est incroyablement tenu. Il ne faut pas plus de deux épisodes aux scénaristes pour parfaitement planter le décor et installer leur galerie de personnages ordinaires, gens simples égarés dans une vie ne l'étant que rarement. La caméra opère des allez-retours habiles entre les adultes et leur progéniture, dérobe à la volée moments d'intimités et pose publique, avec une telle maestria qu'on se croirait projeté, parfois, dans un docu-fiction. Il y a du The Wire dans cette manière de croquer une communauté dans sa globalité, de coller à la réalité pour en dégager l'essence. Comme une radiographie de l'inconscient collectif d'autant plus fascinante qu'elle explore une population que l'on ne voit jamais ailleurs, sans complaisance vis-à-vis d'individus aux mœurs plus que conservatrices, mais loin des clichés du texan rednecko-white-trash tristement popularisés par Bush. Si Friday Night Lights se promène dans une petite communauté de l'Amérique profonde, elle est exempte de toute veine satirique et c'est ce qui fait toute sa force : elle pose un regard tendre et humaniste y compris sur les pourritures, saisit la détresse comme elle capte les contradictions, et finalement s'avère d'une puissance et d'une poésie la rapprochant même, par éclats, d'un Six Feet Under. On y retrouve la même finesse d'analyse, la même capacité à présenter des personnages simples tout en mettant sans cesse en relief la complexité de l'âme humaine. Le personnage d'Eric "Coach" Taylor, antihéros parfait et magistralement incarné par Kyle Chandler, est en ce sens un parfait résumé de la série : à la fois dur et compatissant ; ouvert et compréhensif tout en étant parfois totalement réactionnaire. Ce n'est pas la moindre des qualités de Friday Night Lights que de nous faire aimer l'Amérique moyenne jusque dans ses défauts, son obsession de la réussite, son racisme sous-jacent, son libéralisme si profondément ancré dans les mœurs qu'il n'est même pas besoin de prononcer le mot une seule fois, l'emprise de la religion sur les mentalités... Tout cela est là... tout cela montré mais jamais ouvertement dénoncé - au spectateur de tirer les conclusions qui s'imposent.
Friday Night Lights ne connaît pas la lourdeur et ignore le surlignage, c'est d'autant plus évident lorsqu'elle s'attarde sur la destinée de ce groupe de jeunes qui constitue une bonne moitié de ses personnages récurrents. Rarement on aura vu les thématiques adolescentes traitées avec autant de finesse et si peu de pathos, ordinaires évidemment (amourettes qui ressemblent toujours à s'y méprendre au grand amour, difficultés avec les parents, incapacité à se projeter dans l'avenir...), jamais banales cependant. La série épate lorsqu'elle se pique de montrer ce que l'on sait sans jamais le voir ailleurs. Les couples se formant à l'adolescence et condamnés par l'habitus à finir ensemble. Le tristement célèbre "on naît ici, on meurt ici". L'ennui, lorsque le sport n'est pas là. Ce n'est pas un hasard si chez eux, le football tourne à l'obsession, y compris chez les filles qui soutiennent leurs hommes et les élèvent aux rangs de demi-dieux : lorsqu'il n'est pas là, ces gamins n'ont rien. Ni avenir ni présent. Désœuvrés, ils enquillent les conneries, picolent, se battent , baisent ou dépriment. De manière générale, ils ne s'intéressent à rien d'autre et lui seul parvient à les élever, à les fédérer. A les faire se transcender. Tous rêvent secrètement, bien sûr, de faire carrière. Et tous savent, encore plus secrètement, que l'écrasante majorité finira VRP, pompiste, vendeur de voiture chez Buddy Garrity ou profs dans le public pour ceux qui auront réussi à s'intéresser un tant soit peu à l'école entre temps. Mais tous y croient, parce qu'ils n'ont rien d'autre et parce qu'à Dillon, Texas, il n'y a pas grand-chose d'autre à faire que d'attendre le vendredi soir et de tout donner pendant le match.
Friday Night Lights ne connaît pas la lourdeur et ignore le surlignage... cela vaut également pour les parties sur le foot lui-même, qui représentent l'excellente surprise du spectateur y allant un peu à reculons. Particulièrement bien filmés, ces passages sont infiniment plus passionnants que ce que l'on peut imaginer de prime abord, particulièrement bien dosés (aucun match n'excède les dix minutes par épisode) et s'inscrivant parmi ce qu'on a écrit et tourné de plus brillant sur le sport. Pour cette raison et toutes les autres, Friday Night Lights mériterait d'être bien plus connue qu'elle ne l'est. Elle mériterait, à vrai dire, une exposition bien plus vaste qu'une diffusion française sur NRJ 12 (ou américaine sur Direct TV, où elle a échoué après un passage sur NBC et des audiences faméliques). De par sa richesse, sa subtilité et ses évidentes qualités esthétiques, elle rivalise avec les plus grandes séries de la décennie, et sans rougir. Si vous ne connaissez pas encore, jetez-vous dessus au plus vite : vous n'en reviendrez pas et je vous parie que tout comme moi, vous ne pourrez plus vous arrêter.
Friday Night Lights (saisons 1 & 2), créée par Brian Grazer, David Nevins et Peter Berg, d'après le film de ce dernier (NBC, 2006-08)
J'avais entendu du bien de cette série, mais je ne pensais pas que c'était à ce point.
RépondreSupprimerJe vais voir ça le plus vite possible.
Bon dimanche.
"Il y a du The Wire", oui, et c'est encore plus vrai dans les dernières saisons (qui s'éloignent du foot).
RépondreSupprimerJ'ai vu quelques épisodes mais la VF est trop mauvaise. Du goût j'attends que ça sorte en dvd chez nous mais apparemment, c'est pas pour tout de suite.
RépondreSupprimerJe suis heureux que tu aies apprécié à ce point. Vraiment une de ces séries qui m'aient scotché à un point inimaginable !
RépondreSupprimerremarque, le plus incroyable est encore que hollywood aie réussi à exporter des films sur le baseball (et pas plus sur le foot us), pour avoir assisté à des matches je peux t'assurer que par comparaison le curling est un sport bouleversant et trépidant x_O
RépondreSupprimerjamais rien vu d'aussi chiant, plutôt regarder la mire de ma télé qu'un match de ce truc...
Tiens...
RépondreSupprimerJamais entendu parler!
Why not?
Oui mais là pas sûr qu'en me collant la tronche du gars qu'a assassiné Gambit j'ai vraiment envie de me mettre (et Kyla Chandler bof)
RépondreSupprimerBloom >>> allez hop. Au boulot !
RépondreSupprimerAzazel >>> je n'ai vu que les deux premiers épisodes de la saison 3 mais c'était bien l'impression que j'avais...
Marion >>> fou rire du jour ^^
Thierry >>> eh oui, je me souviens que tu fus l'un des premiers à me la recommander.
Arbobo >>> en même temps je ne suis pas sûr de connaître tant de films sur le baseball...
Serious >>> attends ! Kyle Chandler est vraiment extraordinaire dans cette série. Taylor Kitsch, bon... en dehors des outrages qu'il a fait subir à Gambit, il n'est en l'occurrence pas mauvais du tout.
y'en a eu un notamment avec Redford en 1984,
RépondreSupprimeret visiblement ça manque pas
http://www.bullz-eye.com/mguide/features/baseball_movies.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/Baseball_et_cin%C3%A9ma
O-M-G !!!!!!!!!!!!!!!!
J'en doute pas mais est-ce que vraiment ça s'est exporté ? Parce que j'en connais pas des masses, dans la liste...
RépondreSupprimerQuelle super série. Il y a vraiment des moments, on est émus aux larmes...
RépondreSupprimercette série m'a coupée de toute vie sociale pendant 1 mois (4 saisons)... J'attends la saison 5 (la der des der) et me prépare à un deuil long et douloureux... Clear eyes full heart, can't loose... HUT HUT!
RépondreSupprimerC'est marrant ce que tu dis arbobo sur le baseball, car je suis presque sûr qu'un des personnage le dit dans un épisode (que le baseball c'est chiant et le foot c'est mieux)
RépondreSupprimerJuliette >>> je ne peux qu'approuver, noyé comme je suis dans la saison 3...
RépondreSupprimerAzazel >>> alors je peux te répondre (même si ce n'est pas une question) : c'est Cash le cowboy, qui dit ça ;-)