vendredi 30 avril 2010

L'Etrange Monsieur Bloch

...
Meme ceux qui ici n'ont jamais entendu le nom de Robert Bloch connaissent au moins une de ses histoires. Si, si. Je parle bien sûr d'un certain roman, puis d'un film, intitulé Psycho. Cela vous dit quelque chose ?

Cependant si ce roman (dont la légende raconte que Hitchcock en acheta tous les exemplaires existants afin d'éviter les spoilers pour son film) n'est sorti qu'en 1959, Bloch eut une longue et riche vie auparavant. Über-fan de fantastique du XIXe, adorateur de Lovecraft à l'époque où celui-ci est encore un quasi inconnu, il aura le privilège immense et totalement inattendu d'en devenir le disciple après lui avoir fait parvenir sa prose adolescente. L'idole, misanthrope et solitaire s'il en est, s'entiche de lui. Les deux correspondent, échangent des idées, et à la mort de Lovecraft Bloch deviendra avec August Derlteth le principal exécuteur de son testament littéraire. Difficile de comprendre qu'un tel C.V. ait pu tomber dans l'oubli. Et pourtant. Auteur talentueux malheureusement dépourvu de véritable génie, Bloch passera l'essentiel de la postérité dans l'ombre des maîtres qu'il fréquenta. Un peu comme un Jean-Claude Brialy de l'effroi. A ceci près que si Jean-Claude n'a rien inventé Robert, pour sa part, a largement contribué à créer tout de pièce un sous-genre du thriller destiné à connaître fortune et richesse durant les décennies suivantes : le roman de serial-killer (certes il s'est largement inspiré d'Ed Gein, mais quand même). Genre qui deviendra d'ailleurs rapidement un filon que Bloch, méconnu mais tout de même pas fou, usera jusqu'à la corde (avec notamment deux suites grotesques à Psycho). Il n'est pas exclu d'ailleurs que cette dérive ait en grande partie contribué à faire disparaître l'un des modèles de Stephen King de la plupart des mémoires.

S'il fallait recommander un seul de ces livres, ce serait probablement le bizarre Night World, archétype de ce qu'on appelait alors la littérature de l'étrange, et qu'on appellerait plutôt aujourd'hui dérèglement progressif du quotidien. Karen Raymond y est au comble du bonheur: son mari, Bruce, va d'ici peu sortir de l'Asile Griswold, où il s'est interné volontairement six mois plus tôt. Un asile pour le moins curieux, réservé à une poignée de patients riches (et souvent célèbres) en quête d'un traitement anonyme. Griswold lui-même est un psychiatre tout à fait bizarre sous ses apparences joviales. Ce soir, Karen part rendre visite à Bruce et, surtout, discuter avec Griswold de son éventuelle sortie. A son arrivée, Griswold a été littéralement massacré... de même que tout le personnel de l'asile. Effrayée, Karen prend la fuite et prévient la police. Qui comprend vite la situation : non seulement les dossiers de l'asile ont été brulés, mais surtout, les cinq pensionnaires sont en vadrouille. Le seul dont on connaisse l'identité est Bruce Raymond. Et l'un d'entre eux est un psychopate.

Impossible de ne pas penser à Philip K. Dick en lisant ce livre. Pas tellement au Philip K. Dick auteur de SF, plutôt à l'auteur de Man in the High Castle... celui qui détraque progressivement le quotidien en semant le mystère et le doute un peu partout. Karen refuse d'envisager que son mari puisse être le psychopate en question. Lequel tarde à se manifester. Tout comme son mari. Son mari, lui, est libre... mais il ne réapparait pas. Pourquoi? Pourquoi sa belle-soeur affirme-t'elle qu'il n'était pas prêt à sortir ? Le tueur est-il réellement fou, alors qu'il a pris la peine d'effacer toute trace de son identité ?...

Voilà la définition parfaite du genre dit étrange, dans lequel Bloch était capable d'exceller bien plus que dans les histoires de tueurs en série qui l'ont rendu fameux : le moindre petit détail induit un doute, puis une question. Rien ne semble être ce qu'il est. D'ailleurs, Karen est-elle elle-même si clean qu'elle le prétend ? Pourquoi alors induit-elle volontairement la police en erreur ?...

Dans un style efficace à défaut d'être spécialement travaillé, Bloch impose une atmosphère poisseusse, étouffante. Ce monde nocturne ne ressemble à rien, et surtout pas au nôtre. Ambiances feutrées, personnages aux multiples facettes, héroïne ambigue et longs passages dans la tête du tueur dont on se demande s'il est totalement fou, ou drogué, ou qui sait encore... sans oublier le MEGA rebondissement final - marque de fabrique d'un auteur qui n'a pas attendu Shutter Island pour ce genre de coup de manche.

Vous ne saviez pas quoi lire cet été ? Suffisait de demander !


Night World, de Robert Bloch (1972)


...

9 commentaires:

  1. ah ouais, je note! cela fleure effectivement bon le Stephen King....

    RépondreSupprimer
  2. 'il faut se séparer des juifs en bloc et ne pas garder les petits' écrivait Robert.
    Robert Brasillach, enfant joueur - des Bloch en bloc.
    Psychose.
    Ils sont fous, ces...

    RépondreSupprimer
  3. Je n'ai jamais lu Bloch (ou alors, j'ai oublié, cela arrive, à mon âge). Mais l'article donne envie, alors, pourquoi pas, cet été ?

    BBB.

    RépondreSupprimer
  4. Oh, si, je savais déjà quoi lire cet éte : la trilogie de Mervyn Peake, Matzneff, "Le serpent à plumes" de Lawrence, Nimier, Hatzfeld, ...... et je ne parle que d'une infime partie de ceux que j'ai piochés par ici... mais bon, je ne suis plus à un titre près !

    RépondreSupprimer
  5. Je vois que tu n'as relevé que des lectures très estivales ! :-)

    RépondreSupprimer
  6. Oui dis donc, Inganmic, c'est pas léger léger tout ça ;-)
    Quant à moi, Mr Bloch était inconnu à mon bataillon mais j'achète, après cette critique ! Au risque de mourir écrasée par ma PAl de plus en plus vertigineuse.

    RépondreSupprimer
  7. Ah ah... c'est vrai que quand on pense que tu viens SEULEMENT de lire A l'Irlandaise :-D

    RépondreSupprimer
  8. Oh, mais j'ai aussi prévu quelques Picsou magazines.

    RépondreSupprimer
  9. C'est marrant, c'est ce que je lisais en vacances quand j'étais petit ^^

    RépondreSupprimer

Si vous n'avez pas de compte blogger, choisir l'option NOM/URL et remplir les champs adéquats (ce n'est pas très clair, il faut le reconnaître).