[Article précédemment paru sur Interlignage] Revoilà donc l’Irlandais croonant, lutin facétieux et maître incontestable (et incontesté) de l’orchestral pop. The Divine Comedy qui publie un album, mine de rien, ce n’était pas arrivé depuis plus de quatre ans. Autant dire que ce fut long, sans doute plus pour nous que pour lui (qui participa à rien moins que deux disques l’an passé), condamnés que nous fûmes à nous rabattre sur des produits de substitution pas toujours de très bon goût. Si, si. Il faut le dire : Neil Hannon demeure encore aujourd’hui, vingt ans après son premier disque, le seul gars capable de faire rimer pop et orchestrations luxuriantes, pianos, cuivres, vents… sans parler du lyrisme.
Ah le lyrisme ! Écueil avec un grand É (et un grand trou…), que beaucoup contournent de peur de s’y vautrer, que seuls les plus grands arrivent à traverser la tête haute. Voilà où se situe Neil Hannon : au sein du club très fermé de ceux qui savent. De ceux qui en sont revenus, de cette terre inconnue et effrayante, toute pleine de crescendos et de monstres fantomatiques aux visages de cantatrices universalisées. Un mélodiste extraordinaire (probablement le meilleur de sa génération), rechignant rarement à la jouer emphatique, n’hésitant même pas à se faire ampoulé… mais retombant toujours sur ses pieds, parce que c’est lui, parce que c’est nous, et parce que ses chansons sont remarquables, ses arrangements d’une finesse impressionnante et sa voix d’une profondeur…
Alors revoilà l’Irlandais croonant, et la première réflexion que l’on se fait est qu’il a retrouvé un peu de sa bonne humeur d’antan. Il est vrai qu’il n’était pas bien dur de publier un album moins sombre et désolé qu’Absent Friends (chef-d’œuvre tout à la fois vibrionnant et blafard) et Victory for the Comic Muse (qui n’avait de comique que le nom). Reste que l’on a beau se creuser la tête, on n’a pas souvenir d’avoir entendu un Neil Hannon aussi jovial depuis plus de dix ans – sans doute depuis le mésestimé Fin de siècle. L’ouverture a beau être feutrée et mélancolique, "Down in the Street Below" n’est qu’un trompe-l’oeil. Dès le second titre, un "Complete Banker" gentiment dégingandé, on sent que les choix d’une pochette autrement plus rigolote qu’à l’accoutumée et d’un single incroyablement pop ("At the Indie Disco") ne doivent rien au hasard. Après une décennie d’automne et trois albums à la mélancolie so dix-neuvième, c’est une forme d’allégresse qui s’invite sur ce nouveau Bang Goes the Knighthood, et avec elle une pop plus punchy, un jazz plus swing, une interprétation plus baroque et percutante. Le Scott Walker des débuts n’a jamais été aussi proche. Et Bowie, aussi, bien sûr.
Bien sûr l’album recèle également quelques perles délicates, tristes comme une matinée pluvieuse en Normandie (une matinée normande, donc). Mais avec encore la délicieuse "Neapolitan Girl" ou la superbe "I Like", l’ambition est clairement affichée : à fond la pop et les mélodies acides (Neil Hannon est physiquement incapable de faire dans le sucré). On dénote même quelques passages à la limite du dansant. Le résultat, quoique peut-être un peu long (seize titres, c’est beaucoup, même pour un génie), est d’une qualité assez remarquable, probablement aussi parce qu’assez inattendue tant Victory for the Comic Muse donnait l’impression que The Divine Comedy avait renoncé à surprendre.
Bang Goes the Knighthood, de The Divine Comedy (2010)
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Ah le lyrisme ! Écueil avec un grand É (et un grand trou…), que beaucoup contournent de peur de s’y vautrer, que seuls les plus grands arrivent à traverser la tête haute. Voilà où se situe Neil Hannon : au sein du club très fermé de ceux qui savent. De ceux qui en sont revenus, de cette terre inconnue et effrayante, toute pleine de crescendos et de monstres fantomatiques aux visages de cantatrices universalisées. Un mélodiste extraordinaire (probablement le meilleur de sa génération), rechignant rarement à la jouer emphatique, n’hésitant même pas à se faire ampoulé… mais retombant toujours sur ses pieds, parce que c’est lui, parce que c’est nous, et parce que ses chansons sont remarquables, ses arrangements d’une finesse impressionnante et sa voix d’une profondeur…
Alors revoilà l’Irlandais croonant, et la première réflexion que l’on se fait est qu’il a retrouvé un peu de sa bonne humeur d’antan. Il est vrai qu’il n’était pas bien dur de publier un album moins sombre et désolé qu’Absent Friends (chef-d’œuvre tout à la fois vibrionnant et blafard) et Victory for the Comic Muse (qui n’avait de comique que le nom). Reste que l’on a beau se creuser la tête, on n’a pas souvenir d’avoir entendu un Neil Hannon aussi jovial depuis plus de dix ans – sans doute depuis le mésestimé Fin de siècle. L’ouverture a beau être feutrée et mélancolique, "Down in the Street Below" n’est qu’un trompe-l’oeil. Dès le second titre, un "Complete Banker" gentiment dégingandé, on sent que les choix d’une pochette autrement plus rigolote qu’à l’accoutumée et d’un single incroyablement pop ("At the Indie Disco") ne doivent rien au hasard. Après une décennie d’automne et trois albums à la mélancolie so dix-neuvième, c’est une forme d’allégresse qui s’invite sur ce nouveau Bang Goes the Knighthood, et avec elle une pop plus punchy, un jazz plus swing, une interprétation plus baroque et percutante. Le Scott Walker des débuts n’a jamais été aussi proche. Et Bowie, aussi, bien sûr.
Bien sûr l’album recèle également quelques perles délicates, tristes comme une matinée pluvieuse en Normandie (une matinée normande, donc). Mais avec encore la délicieuse "Neapolitan Girl" ou la superbe "I Like", l’ambition est clairement affichée : à fond la pop et les mélodies acides (Neil Hannon est physiquement incapable de faire dans le sucré). On dénote même quelques passages à la limite du dansant. Le résultat, quoique peut-être un peu long (seize titres, c’est beaucoup, même pour un génie), est d’une qualité assez remarquable, probablement aussi parce qu’assez inattendue tant Victory for the Comic Muse donnait l’impression que The Divine Comedy avait renoncé à surprendre.
Certes si l’humeur évolue, le fond de commerce reste foncièrement le même : du mille-feuilles en terme d’orchestration, pas mal de crème et beaucoup de chou… Neil Hannon demeure ce formidable pâtissier que le monde en général et la France en particulier adulent depuis le superbe Liberation. Dès que les rythmiques retombent, la comédie, pour divine qu’elle soit, se fait un poil plus convenue ("When a Man Cries" aurait pu figurer sur quasiment tous les albums du gaillard depuis 1993). Pour tout dire, on lui en voudrait un peu de renoncer à une formule que lui seul a jamais su maîtriser. A plus forte raison parce que depuis un an et demi, les pointures des nineties ont souvent peiné à tenir leur rang. Neil Hannon, pour son très attendu come-back, est largement à la hauteur de sa réputation – et de ses meilleurs opus. Et vient de publier à coup sûr l’un des disques de l’année.
Bang Goes the Knighthood, de The Divine Comedy (2010)
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Cet album est, tout simplement, brillant. Voilà longtemps que Divine Comedy ne m'avait à ce point enthousiasmé. Malgré quelques faiblesses vers la fin.
RépondreSupprimerBBB.
Très bon article sur un Neil Hannon qui est trop souvent décrié à tort. Je ne sais pas si Bang Goes the Nighthood sera dans les albums de l'année mais c'est définitivement un excellent Divine Comedy.
RépondreSupprimerOui, il y a quelques titres en trop sur la fin. Mais les trois premiers quarts sont vraiment exceptionnels.
RépondreSupprimerMerveilleux portrait de Hannon, merci infiniment d'avoir les mots pour expliquer la musique et surtout ce que ses albums m'ont fait. Ravie de voir le retour de Divine Comedy, je ne me lassais pas de réécouter les autres mais du nouveau c'est encore plus dynamisant.
RépondreSupprimerBBB. & J-C >>> je suppose que vous faites allusion ou deux ou trois derniers titres ? En fait, je ne dirais pas qu'ils sont mauvais, mais ils tranchent bizarrement avec le reste...
RépondreSupprimerBenjamin >>> ah ? Il est si décrié que ça, Hannon ?
Vanessa >>> là, tu me fais trop d'honneur... mais merci pour ces compliments.
Une fois n'est pas coutume, je commente (brièvement, hein, mais c'est un début) une chronique musicale ! Je l'avoue, j'aime beaucoup Neil Hannon. Beaucoup.
RépondreSupprimerJe me permets quand même une observation en commentaires : la nouvelle mise en page est très jolie MAIS le Journal de Drob est écrit en beaucoup trop petit. A+
RépondreSupprimerMélanie >>> waouh ! J'archive tout de suite ce commentaire !!!
RépondreSupprimerSerious >>> je suis d'accord mais malheureusement, la colonne de droite ayant été considérablement réduite, c'était la seule solution possible.
je suis preneur de la nouvelle oprésentation, mais effectivement ce sont les largeurs de colonnes qui laissent de gros vides de part et d'autre, y'a pas moyen d'agrandir la centrale?
RépondreSupprimerJ'imagine que oui. En fait blogger offre de nouvelles fonctionnalités, je me suis donc jeté dessus... le problème c'est que ça ne marchait pas avec mon vieux modèle. Sinon je me serais contenté de le modifier un peu.
RépondreSupprimerMaintenant si quelqu'un qui s'y connaît en HTML peut me dire quelle(s) ligne(s) je dois modifier pour élargir un peu et diminuer le bordeau, moi, je lui envoie le code de ce pas. (putain, j'aurais dû lancer un concours de designs du Golb ! :-D)
Je connais pas ce qu'ils ont fait avant mais je trouve cet album sympa. Et j'ai aussi jeté une oreille sur Felt de Lilium. Ce me palit bien. Merci
RépondreSupprimerTrès content pour Lilium. Ils le méritent.
RépondreSupprimerJe n'avais pas encore consacré de billet à la musique sur mon blog... mais j'aime beaucoup Neil Hannon, et j'ai ne pas pu m'empêcher d'écrire un billet sur cet album, où il renoue en effet avec une humeur plus drôle et légère. Comme tu le soulignes, c'est un excellent mélodiste, et tu en parles vraiment très bien !
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